Vos
poèmes

Je l’ai attendu tout l’été
Celui qui m’était étranger
Je l’ai évoqué tant et plus
Paré de cent mille vertus

Celui dont on ne parlait pas
Celui dont j’inventais les pas
Celui que je guettais le soir
Quand chantait la grosse bouilloire

Je l’ai attendu au printemps
Ébouriffé près de l’étang
Je l’ai imaginé galant
Jonglant avec les sentiments

Celui dont je ne savais rien
Celui qui n’avait pas de mains
Pour éloigner enfin mes peurs
Pour mitonner de bonn’s odeurs

Je l’ai attendu à l’automne
Soufflant très fort dans un trombone
Tel un géant polycémique
Issu d’un élément cosmique

Celui sans histoir’ sans visage
Celui qu’on poussait sur l’ rivage
Celui qui n’avait pas de nom
Mais qui rimait avec démon

Je l’ai attendu en hiver
Le doigt posé sur l’révolver
En me disant que cett' fois-là
S’il osait se pointer ma foi

Je ne ferais pas de quartier
L’enverrais au diable valser
Avec qui n’en parlait jamais
À qui pourtant je réclamais

De savoir just’ qui il était
Pourquoi toujours ce grand secret
Pour enfin clore ce mystère
Qui m’avait laissé sans un père

Aujourd’hui je n’attends plus rien
Au fond de moi un grand chagrin
Un ventre creux, un vide immense
Où parfois se blottit l’enfance

Surtout quand arrive le soir
Un' volée d’ombr's dans le miroir
Alors je fredonn' sous la lampe
Tout en buvant une vervein’-menthe

Une berceuse pour gamins
Complainte pour mes lendemains
Je cherche à garder la cadence
Où se posera l'insouciance