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Thomas FALLET

Je n'ai jamais reçu, dans ma noire détresse...

Je n'ai jamais reçu, dans ma noire détresse,
Ni soutien, ni secours par ta main vengeresse,
En pâture je fus livré dès ce moment,
Avant que d'expier un plus affreux tourment.
Comme un monstre étouffé dans le sein de sa mère,
J'égrenais les instants, fugitive chimère,
Etudiant sans cesse et mesurant le train,
Au fond de la coulisse ou d'un lieu souterrain.
J'ai lorgné longuement le masque et la charnure,
Quand, fatigué de tout, j'ai surpris la tournure
De l'horrible mensonge en trésor convoité,
Que ta beauté stérile altère en volupté.
Oh ! j'ai connu du sort implacable Ministre,
Geôlier au coeur dur, maint revers plus sinistre,
Par l'étude sévère, âpre et sans lendemains,
Que dévoilât le vice au rebut des humains !
Observant les défauts, les gothiques merveilles,
Et dont le rire atroce offense les oreilles,
J'ai pu lors éventrer l'infâme abjection,
Sous ma plume hardie en l'accusation,
Le malheur insolent, la foule léthargique,
La lèpre immonde, errant jusque sur les autels,
Et l'opprobre sanglant des stupides mortels ;
Les boyaux affamés du faux et de l'horrible,
Des ombres en courroux la crinière terrible,
Pour les mieux transporter sous couleur d'amitié,
Et mêler la disgrâce à la fausse pitié !
J'ai pu railler ainsi dans mon exil farouche,
L'enthousiasme saint, la plainte dans la bouche,
Et toujours, s'astreignant à de bizarres lois,
Ta beauté crapuleuse et comique à la fois !
De la religion dont s'abreuvait nos pères,
Les superstitions, ces hideuses vipères,
Ont meurtri sous mon oeil indigné, mais serein,
D'orageuses amours à la sueur d'airain.
Et je plains désormais ton aveugle nature,
Qui n'est rien d'autre, hélas, que fange et pourriture,
Bête rampante et vile, entreprenant soudain,
De marcher à l'assaut du farouche dédain,
Stupide et cheminant le diadème en tête,
Et redorant alors à l'écart de la fête,
L'attente et la promesse et l'honneur du drapeau
De ces garçons ingrats, vendus comme un troupeau !
Tu ne me prendras plus au désir illusoire,
Car le renoncement à tout ce dérisoire,
A cuirassé mon coeur, triste et réfléchissant,
Vieille épave échappée au naufrage croissant.
Adieu donc, importune, insolente vermine,
Rôdant comme le ver avec sa sourde mine,
Et mutilant l'esprit, hors du sépulcre obscur,
Fière, majestueuse, atome de l'azur.
- Va donner de la poudre à ces grands jours d'alarmes !
Au sang de tes pareils tu mêleras tes larmes,
Baiser voleur de temps dont les mornes douleurs,
S'en viennent épuiser la coupe des malheurs !?
Tant la mâle beauté s'avançant sur les herbes,
Aiguillonne au néant la dépouille des gerbes,
En embrassant les moeurs de ce siècle assassin,
Pour empoigner la corde et sonner le tocsin !