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Tahar KHEDDACHE

Voyage au bout de l'ennui

De Céline et Camus,
Je n'ai retenu que l'insignifiance de ma vie,
Mon indigeste foi en l'humanité
Et mes bévues.

J'ai appris que l'homme
N'est que son propre projet en gestation
Et que la vie est son terrain de prédilection.

J'ai appris de ces gladiateurs de l'absurde
Que les dévots de l'abime
Ont l'illusion comme collier
Les cœurs spoliés,
Les mains liées;
Et sur leurs fronts se fige
Comme une floraison satanique
L'abjecte image de l'ennui.

Auprès de ces seigneurs du verbe rebelle,
J'ai appris à côtoyer la nuit,
à sourire à plein dents à l'ennui
Et à engrosser mon regard juvénile
De doutes insondables,
Et de suspicion fertiles.

J'ai appris que le suffisance des opinions
Enrobées dans la soie de la raison
Est en fait une parfaite prison.

J'ai appris à considérer la déchéance avec détachement,
Et à mépriser intellectuellement
L'humanité dans ses ultimes retranchements.
Dans son hypocrite désarroi face à ses démons.

J'ai appris à mépriser mon élan cupide
Et à semer dans mon âme
Les graines de l'absurde.

J'ai appris à bannir de mon attirail verbeux
La cruauté, la beauté ou la sensibilité.
Tout prend dans mon vocabulaire fielleux
Un sens giratoire pour la moralité.

Et plus que tout,
J'ai appris par un détour malsain
à accepter la déchéance de l'humain
De ne point m’émouvoir
Devant la traîtrise du destin
Et de psalmodier ce qui me reste du divin.

J'ai appris après bien des péripéties
Que notre voyage va jusqu'au bout de l'ennui.