De l'autre côté
Elle voudrait me faire croire qu'elle ne tient pas debout,
Qu'une gomme n'efface pas certains coups de pinceau,
Silencieuse et stupide, invitée sans le sou,
Se rallume l’orage de ses nombreux cadeaux.
Elle voudrait me faire croire que son homme est poète,
Qu’une plume se distingue parmi les autres vers,
Mais vers qui et vers quoi ma trop belle imparfaite
Propose-t-elle son odeur comme unique prière ?
Elle voudrait me faire croire que sa bouche en dit long,
Qu’un discours dégueulasse à de quoi finir beau,
Sauter jusqu’à ses joues sans franchir de balcon :
Voilà qui me conduit un peu plus vers le faux.
Elle voudrait me faire croire qu’il y a une raison,
Qu’un Dieu ou bien quelqu’un contrôle notre harmonie,
De fausses notes en fausses notes, et le sale devient bon
Quand un mal bien acquis se transforme en profit.
Elle voudrait me faire croire qu’une joie se mérite,
Qu’il suffit de vouloir pour rafler un pouvoir,
Rien à faire, je lui mens quand elle crie : « réussite ! »
Pauvre fou amoureux incapable d’y croire...
Elle voudrait me faire croire que la guerre est finie,
Qu'aucun homme ne s'allonge dans la bouche des métros ;
Frères sans armes ! Que la paix de cette douce agonie
Rappelle à l'être humain le devoir d'aimer trop.
Elle voudrait me faire croire que toute mort est modeste,
Qu'un départ ne prend sens que par son arrivée :
Une idée que j'admire autant que je déteste
Car, moi, je veux mourir d'un abus de fierté !
Elle voudrait me faire croire qu'il est bon d'espérer,
Qu'être là, immobile, cultive la fortune,
Pourtant quand elle se penche de son autre côté,
Le désir et la chair ne font qu'un, presque qu'une.
Elle voudrait me faire croire qu'il est temps d'arrêter,
Qu'un visage de trente ans doit avoir l'air sérieux,
Et si l'autre sagesse voulait continuer ?
Et si, dans la folie, se trouvait notre Dieu ?
Elle voudrait me faire croire que tout est inutile,
Qu'un mouton se nourrit de sa réalité
Comment peut-on chuter sans danser sur un fil ?
Ainsi jaillit la preuve de la non-Vérité !
