s’exposer à l’immensité - y penser, vraiment – chant II
comment ne pas s’exposer quand on pense ? je veux dire ; penser vraiment, jusqu’à se retourner les nerfs, jusqu’à sentir sa propre chair trop mince pour contenir ce qu’on voit.
penser, c’est se mettre à nu sans spectacle, sans public. c’est s’arracher la peau du front juste pour regarder un peu plus loin que les murs.
on croit qu’il suffit de fermer les yeux pour être protégé. mais non. quand tu penses, tu ouvres quelque chose qui ne se referme pas.
et alors le monde te tombe dessus. immense. immobile. presque beau, presque insupportable.
tu te tiens là, face au vide, face à l’air, face à l’espace entre les choses — et tout à coup, ta petite vie de rien du tout s’éclaire comme une erreur de calcul.
t’as déjà essayé de marcher dans un champ trop vaste en pensant à la mort ? c’est pas la mort qui fait peur, c’est l’écho de tes pas dans l’idée qu’il n’y a peut-être rien à atteindre.
penser, c’est s’exposer aux silences des autres. aux absences qu’ils ne t’avoueront jamais. aux “ça va” qui sont des trous noirs polis.
et pourtant on y revient. on pense encore, encore, comme si un jour, on allait tomber sur une phrase qui tient chaud.
mais y’a pas de manteau dans les idées. juste des vents qui te déshabillent jusqu’à l’os.