La pensée comme malédiction - penser, vraiment ? – chant VI — le foupoudav
je pense, donc je souffre. point.
faut arrêter de faire les malins avec ça. la pensée, c’est pas un don. c’est un virus. un vertige qui te bouffe dès que t’arrêtes de bouger.
les animaux ont tout compris. ils bouffent, ils dorment, ils baisent, et ils crèvent. ils n’écrivent pas de poèmes pour dire qu’ils existent. ils n’inventent pas des dieux pour survivre à leur vide. ils vivent.
point.
mais moi ? moi j’ai reçu ce cerveau-là, cet œil qui regarde trop loin, ce cœur qui palpite même quand y’a plus rien à aimer.
on m’a foutu des pensées comme on met des chaînes à un condamné.
je peux plus marcher dans la rue sans voir la fin du monde dans une vitrine. je peux plus aimer quelqu’un sans imaginer sa tombe. je peux plus me regarder dans un miroir sans voir un squelette qui s’accroche encore à son prénom.
penser, c’est entendre les choses qui ne font pas de bruit. c’est sentir le temps passer dans les articulations. c’est porter la douleur des autres même quand t’as rien demandé.
on te dit que c’est noble. que c’est beau. penser. réfléchir. écrire. s’élever.
mais on te dit jamais que ça pue la solitude, que ça te tient éveillé à quatre heures du mat avec des idées qui sucent ton âme comme des sangsues bien éduquées.
et le pire, c’est qu’on peut pas revenir en arrière. pas désapprendre. pas désactiver.
une fois que t’as vu, tu peux plus te mentir. t’as bouffé la pomme. t’as avalé l’os. et maintenant tu marches avec un trou dans la tête, dans le cœur, dans le ciel.
alors ouais, penser, c’est pas vivre. c’est survivre à la lucidité. c’est danser au bord d’un gouffre en essayant de pas trop regarder en bas.
et parfois, juste parfois, j’aimerais tout rendre. les mots. la conscience. la peau. les questions.
et redevenir un chien, un arbre, une pierre. n’importe quoi qui ne pense pas. qui ne sait pas. qui est, et c’est tout.
