l’indécence du confort - pensez-y, vraiment – chant IV)
j’bouffe des chips. à la télé, un gosse pleure sur un corps sans tête. j’monte le son, mais pas pour lui. pour couvrir le silence de ma mastication.
dans mon frigo : du lait, des œufs, une bière au frais. dans son sac : une photo cramée, et deux cailloux pour toute maison.
y’a un type, à moitié carbonisé, qui parle en boucle dans un reportage. moi je fais pause pour aller pisser tranquille.
et quand je reviens, j’me sers un truc sucré, et j’me dis putain, c’est chaud quand même ... avant de scroller.
tu vois, c’est pas que j’ai pas de cœur. c’est pire. c’est que j’en ai un et qu’il s’est habitué.
habitué à voir le monde se vider de ses enfants pendant que je choisis une nouvelle paire de baskets. habitué à la guerre comme à une série qu’on regarde en mangeant.
je suis de ceux qui dorment pendant que d’autres creusent leurs morts à mains nues. je suis de ceux qui vivent dans des prisons climatisées où on peut acheter du bonheur en 3 fois sans frais.
et ça me dégueule à l’intérieur. pas assez pour changer, juste assez pour écrire. juste assez pour grincer des dents devant une pub pour des croquettes bio équitables et sans cruauté.
on a tous un prix, même nos silences. même nos larmes.
et j’ai beau me dire que je suis lucide, ça n’en fait pas moins un petit roi assis sur ses privilèges à regarder le sang couler en plein écran 4K.
et si tu me demandes si j’ai honte, je te répondrai : ouais. mais elle est tiède, ma honte. elle tient compagnie à ma couette, à mes séries, à mes putains de tartines bio pendant que le monde crame.