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Steve DELCOURTE

l’effacement du je(u) - à penser, vraiment – chant III

comment penser je
quand le monde
n’a pas besoin de toi pour tourner ?
quand la lumière tombe sur les choses
sans demander ton nom,
et que l’air joue sur le lac
comme si tu n’existais pas ?

j’ai vu ça :
le vent léger
glisser sur l’eau,
comme un doigt sur une joue
qu’on n’a jamais connue.
et d’un coup,
plus de “moi”.
plus de rôle.
plus de scène.

juste ça :
le réel
sans spectateur.


je ne savais plus
si j’étais un corps,
une pensée,
ou le souvenir d’un animal
qu’on avait déguisé
en personne.


on croit qu’on joue une partie,
qu’il y a des règles,
des enjeux,
un but,
mais parfois la vie t’arrête net
et te dit :
tu n’étais pas invité.


alors quoi ?
le “je” fond
comme une glace dans une pièce vide.
et le “jeu” aussi.
plus de masque,
plus de miroir,
rien à gagner,
rien à prouver.
juste cette évidence :
les choses se passent
sans nous.


ce jour-là,
j’ai su.
j’étais pas le héros.
pas même un figurant.
j’étais…
rien.
et c’était pas tragique.
c’était même beau.
d’une beauté qu’on n’ose pas toucher.


maintenant je dis “je”
avec des gants.
je marche doucement
dans ce monde trop grand
pour mon petit théâtre.

et s’il faut écrire,
je le fais
comme un bruit de pas sur une scène vide.
pas pour jouer.
juste pour ne pas oublier
le silence qu’il y avait
avant qu’on invente le rôle.