l’effacement du je(u) - à penser, vraiment – chant III
comment penser je quand le monde n’a pas besoin de toi pour tourner ? quand la lumière tombe sur les choses sans demander ton nom, et que l’air joue sur le lac comme si tu n’existais pas ?
j’ai vu ça : le vent léger glisser sur l’eau, comme un doigt sur une joue qu’on n’a jamais connue. et d’un coup, plus de “moi”. plus de rôle. plus de scène.
juste ça : le réel sans spectateur.
je ne savais plus si j’étais un corps, une pensée, ou le souvenir d’un animal qu’on avait déguisé en personne.
on croit qu’on joue une partie, qu’il y a des règles, des enjeux, un but, mais parfois la vie t’arrête net et te dit : tu n’étais pas invité.
alors quoi ? le “je” fond comme une glace dans une pièce vide. et le “jeu” aussi. plus de masque, plus de miroir, rien à gagner, rien à prouver. juste cette évidence : les choses se passent sans nous.
ce jour-là, j’ai su. j’étais pas le héros. pas même un figurant. j’étais… rien. et c’était pas tragique. c’était même beau. d’une beauté qu’on n’ose pas toucher.
maintenant je dis “je” avec des gants. je marche doucement dans ce monde trop grand pour mon petit théâtre.
et s’il faut écrire, je le fais comme un bruit de pas sur une scène vide. pas pour jouer. juste pour ne pas oublier le silence qu’il y avait avant qu’on invente le rôle.