Je suis le yoyo de la duchesse. Je vais, je viens, au bout de sa main. Je tourne, je danse, je m’use. Parfois dans sa paume, sublime jouet. Parfois sur le parquet, pauvre objet. Quand je pars doucement, la corde me rattrape. Je me love, je me déroule, prisonnier volontaire, attaché au bout de son doigt. Jamais je ne roule plus loin que son ombre.
Quand ça lui prend de jouer un peu, elle siffle ses rêves et m’envoie au vent. Je bondis comme un acrobate de cirque, fais mon petit numéro, et elle ne sourit même pas.
Puis elle se lasse. Elle me laisse choir, sur le parquet brillant, le sol glacé. Tour après tour, elle me ramène à elle, puis me range, comme on ferme un chapitre qui n’a jamais compté.
Et me voilà au tiroir, seul avec les ombres et les odeurs de bois. Je guette le souffle d’une bougie qu’on n’allume jamais.
J’attends. J’attends que la duchesse me veuille encore, qu’elle se rappelle qu’un yoyo n’existe que dans la main qui le lance.