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Serge SAINT-MAXIN

Le chant du coucou

Un matin de juin, dans un coin de campagne,
Loin des bruits de la ville, des pays de cocagne,
Rêves édulcorés des employés pensifs
Qui mâchent leur stylo par à-coups convulsifs,
Laissant à côté d’eux, comme une Tour de Pise,
Pencher insolemment cette colonne exquise,
Les dossiers d’un bureau qui se papelardise,

Au début d’un été enjoué, prometteur,
Qui darde d’un soleil, tel un coup de bretteur,
Tous les fronts délavés s’y offrant en pâture,
Tous les corps dénudés quêtant sa signature,
De celles et de ceux, qui par jeu outrancier
Hurlent à la pendule et à son balancier
Leur dédain au rebours d’un maudit créancier,

Sur un lopin de terre inondé de lumière,
Exhalant son humeur, sa fragrance fermière,
Mon collègue et moi-même, accroupis sur le sol
Entre deux champs de blés puis un de tournesol,
Observons, avisés d’une longue expérience,
Ces petits ravageurs que convoite la science
Pour tester d’un produit toute son efficience.

« Parasites volants, rampants et sautillants
D’entre les sillons verts pimpants et pétillants
D’espoir de rendement, de tonnage à l’hectare,
Votre armée est vouée à l’enfer du Tartare !
Le danger est pour vous ! Le pulvérisateur
Est en marche, à l’action ! L’outil conservateur
Des travaux paysans, leur rêve salvateur ! »

Et ce jour là, dans l’Aisne, en milieu de semaine,
Vers la forêt de Retz, près d’un vaste domaine,
Techniciens avérés, menant notre métier
Passionnément, entiers, ainsi le charpentier
Qui, le mètre à la main, calcule son métrage,
Nous mesurons, dosons, conscients de l’arbitrage
Qui se joue à l’instant pour l’élu du suffrage,

Celui le mieux noté, par l’efficacité
Qui paraîtra bientôt, parmi l’opacité
Des produits essayés, des assassins d’insectes !
Mais qui donc sommes-nous, venant de quelles sectes ?
Accoutrés de la sorte avec nos masques verts !
Nous en rions tous deux, de nos pas de piverts
Entre les rangs germés, de nos cols entrouverts !

Tandis qu’au loin résonne à la cime d’un arbre
Le chant clair d’un coucou, les passants au teint marbre
Qui marchent en baillant le long des boulevards
De Paris et d’ailleurs, tout comme les buvards,
Absorbent les pâtés d’une encre qui se presse.
Et nous nous regardons, la tête singeresse,
Heureux, privilégiés du temps qui nous caresse.

13 mars 2010