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Sébastien BROUCKE

Errant

Prostré tel un enfant qui n'avait plus de père,
Comme un dieu condamné, comme une force au vent,
Chaque nuit, chaque jour, n'ayant rien d'autre à faire,
Ce héros résigné, ce timide géant,
Regardait une aiguille à sa montre de fer...

Ne faisant que passer, invisible aux bruyants,
Il n'existait jamais qu'aux âmes solitaires,
Immobile et mouvant, intouchable et touchant,
Qu'aux yeux qui devinaient qu'aprés chaque autre hiver,
Un autre été n'était qu'un avant-goût d'avant...

Il avait cette allure empruntée à la mer ;
Des vagues l'insolence, un fol entêtement,
D'une plage l'oubli d'empreintes éphémères,
Identique sans cesse et sans cesse changeant,
L'envie de l'autre rive où débute la terre...

Lente éternelle attente au calme inquiétant,
Traversée d'animaux, de lignes circulaires,
De plantes, de rochers, d'amours, d'esseulements,
Cette montagne immense aux silences sévères
Buvait les maux gravés aux coteaux revenants...

Pourtant il n'était rien ! Un souffle solitaire,
Une inutile joie, ce fugace tourment,
Des lendemains nombreux, des vœux involontaires,
Le tout et l'infini, du vide et du néant,
Un poing dans une phrase, un trou à l'univers...

Attentif à chacun, à tous indifférent,
Tout ce qu’il effleurait tombait dans la poussière ;
Azur ! Beauté ! Jeunesse ! Amour, or et talent !...
Plus grand que l'océan, plus fort que la colère,
Plus il était vainqueur moins il était devant...

Il se savait sans âme et, s'écoutant se taire,
Qu'il eut été moins dur s'il eut été méchant.
Insensible aux présents, si sourd à la prière,
De la femme à l'enfant, de l'ancêtre à l'amant,
Il amassait des pleurs sans gonfler sa paupière...

Tout lui était semence et tout lui était cher,
Son monde était un champ, son jardin ?... L'univers !
Quand leur lune était ronde et leur conscience claire,
Certains pouvaient le voir au fond de ses parterres
Garnir de cris nouveaux sa belle boutonnière...

Remplissant des cercueils, promenant des passants,
Infiniment absurde, infiniment patient,
Sans aucun bruit jamais, calme, serein, songeant,
D'un regard monotone et contemplant les gens,
Le Temps passait toujours, comme assis sur un banc.