Quand mes enfants auront abordé l’âge adulte En usant du mordant utile à cet état Et qu’ils commenceront à renoncer au culte Des biens envahissants qui entravent nos pas,
Si je ne suis plus là pour piquer leur courage A l’heure d’affronter la mer du quotidien, J’aimerais leur laisser au moins un héritage Qui les aide à garder un louable maintien.
Inutile d’aller consulter un notaire Pour connaître en détail ce patrimoine là, Celui dont je les fais ici les légataires, S’il a de la valeur, ne se monnaye pas.
Qu’ils trouvent de l’envie et du cœur à l’ouvrage Pour faire le métier qui leur sera donné, Que ne leur fasse point défaut dans leur bagage De sources d’intérêt partout disséminées.
Qu’ils s’emploient à lâcher la bride à leur jeunesse Et à s’enthousiasmer pour un projet suivi Mais qu’aussi et quand même, ils aient cette sagesse De goûter lentement chaque âge de la vie.
Qu’ils sachent dispenser les leçons qu’ils reçoivent, Partager leurs idées et être accommodants, Qu’ils n’oublient en chemin ce qu’aux autres, ils doivent Mais restent néanmoins d’esprit indépendant.
Qu’ils ne manquent jamais de matins de promesse Ni de soirs chaleureux en compagnie d’amis A partager le rire et l’intime allégresse De riches sentiments marqués de bonhomie.
Que l’ange malicieux qui les prendra pour cible De son arc dirigé vers leur cœur ingénu N’ait pas auparavant, dans un philtre nuisible, Malencontreusement trempé sa flèche nue.
Qu’une muse inspirée, en nombre, leur délivre Des moments d’exception simples et émouvants Comme de se coucher le soir avec un livre En écoutant le chant de la pluie ou du vent ,
Comme de découvrir un site féérique, Comme de recevoir une lettre d’amour, Comme de s’enticher d’un morceau de musique Ou d’un ciel embrasé à la tombée du jour.
Car ce sont ces instants d’une qualité rare, Echappés aux rigueurs de ce monde étouffant Qui valent d’affronter l’existence barbare Et qu’enfin j’aimerais transmettre à mes enfants
Avant que par l’envoi d’un messager sinistre, De gagner l’au-delà, je ne sois convaincu, Et que ne soit frappé sur le divin registre, En face de mon nom, le tampon « a vécu ».