Moi qui, du poulailler, suis un habitué, Membre le plus discret d'un prestigieux cénacle, Je me trouve en ce lieu plutôt bien situé Pour goûter pleinement la beauté du spectacle.
Assis près du niveau où sont dissimulés Dans les cintres obscurs de silencieux rouages, J'essaie d'imaginer les mouvements ailés Des différents décors le long de ces étages.
Vers ces hauteurs aussi montent plus aisément Les notes que l'orchestre avec verve disperse Vers la salle fermée à son recueillement Dans une fracassante et mélodieuse averse.
Mais d'entre les violons, les cuivres, les hautbois, Il est un instrument plus beau qui m'intéresse, C'est, de la soprano, la cristalline voix Où la force s'allie à la délicatesse.
C'est une mécanique au système ingénieux, Faite de chair, de sang, de vibrations secrètes Apte précisément à moduler au mieux, D'un registre fameux, les étendues complètes.
Et tout cela se tient, ferme et proportionné Dans le corps d'une femme avenante, pulpeuse, Au visage expressif et au jeu passionné Qui bouge librement sur la scène houleuse.
C'est la prima donna, le chérubin joli, La reine de la nuit comme l'oiseau rebelle, Esclave ou couturière au modèle accompli, Lascive dévoyée autant que jouvencelle.
De ma place, j'admire avec des yeux aimants Sa profuse toison, sa lèvre purpurine, L'enchaînement précis de ses déplacements Et le décolleté suggérant sa poitrine.
Pas d'arrière pensée ou de vil objectif Dans le raisonnement de mon esprit sensible, Je suis comme un sauvage au regard primitif Qui vénère en secret l'idole inaccessible.