Qui n’a jamais cherché une part de quiétude Tout au long du chemin qui conduit à la mort Comme dans la tempête, empli de lassitude, Le marin au long cours est en quête d’un port ?
L’inquiétude pourtant est une ombre fidèle - Pessoa parlerait de l'intranquillité - Qui nous colle aux talons et qui nous interpelle Avec force malice et régularité.
La jeunesse il est vrai ne craint pas ses avances, Se croyant invincible et partie pour durer, Fière de son talent, gonflée d’insouciances, Seulement occupée à se transfigurer.
Mais l’alarme bientôt fait son oeuvre en sourdine Et ne met pas longtemps à se manifester, Reptile silencieux qui lentement chemine Et vient nicher au cœur de notre intimité.
C’est la ride trouvée un soir sur le visage Dans le reflet de soi que renvoie le miroir La petite douleur sournoise qui présage D’un mal plus insidieux que l’on pense entrevoir.
C’est le sort qui attends un enfant ou un proche Dans la jungle où il doit aller à découvert, Le monde qui paraît jour après jour plus moche Et annonce un futur plus morose que vert.
C’est la nécessité d’assurer ses arrières Afin de subsister dans la vie dignement, Le devoir d’affronter ses semblables et frères, Tous capables pourtant d’actes de reniement.
C’est la peur de manquer de matière et d’idée Pour maintenir l’esprit en marche et créatif, La crainte d’éprouver sa substance vidée Et que ne lui échoit l’état végétatif.
Il faut s’habituer au sel de cette angoisse Qui nous tient en alerte et en vivacité, C’est un mal pour un bien car l’honnête paroisse De la quiétude, enfin ! C’est l’immobilité !
Nous sommes condamnés à demeurer en garde Tout comme le grognard qui veille près du feu Et surveille la nuit où parfois se hasarde L’ombre de l’ennemi dont la lutte est l’enjeu.