Roi des forêts
Seul là-haut sur sa colline,
il a très froid aux racines,
mais sur son perchoir de coton,
il ne se fait aucun mouron,
car contrairement à ses frères,
avec ses racines en terre,
lui, survivra à l'hiver.
Il observe dans une chaumière,
le bonheur d'un frère de sève,
qui réalise enfin son rêve :
être invité chez les humains,
et devenir roi des sapins.
Tout habillé de fête,
l'ancien roi des forêts,
trône près de l'âtre ardent,
enguirlandé de pied en tête,
au chaud près d'une cheminée.
Et à travers la vitre décorée,
tout provoquant et arrogant,
il ne manque pas de se moquer,
et de narguer son confrère,
aux prises avec l'âpre hiver.
C'est qu'il se sent tellement fier !
Fier d'accueillir tous les jouets,
que l'on a déposés à ses pieds.
Mais bien trop près des flammes,
toutes les guirlandes s'alarment,
les boules et guirlandes électriques,
voudraient hurler leur panique,
car déjà le sapin se déshabille,
et perd toutes ses aiguilles.
Toutes les ribambelles de Noël,
la sarabande de décorations,
pensent déjà à se faire la belle,
et à rejoindre les cartons,
car déjà la fête est gâchée,
voilà que la réalité,
s'impose aux festivités.
Là, sur la cime du sapin,
l'étoile prise d'un grand chagrin,
regarde les aiguilles tomber,
comme on regarde chez le coiffeur,
ses boucles pleuvoir à contrecœur.
Et là-haut depuis sa butte,
son frère assiste malgré lui,
à ce spectacle qui le rebute.
Mais voilà que le voile de nuit,
recouvre le monde sans un bruit.
Et tout s'éteint dans la chaumière,
et la cheminée et les lumières.
Et dans l'aube froide de l'hiver,
court une silhouette de conifère,
qui s'écroule au pied de son frère,
qui le couvre de ses racines,
le réconforte et le câline.
Il mourra comme beaucoup des siens,
victime du bonheur des humains.
Tisseur de Rimes
