L'homme-pluie
Il marche dans la nuit,
La tête lourde, baissée,
Il marche sous la pluie,
L'âme sourde, blessée.
Sur lui la pluie coule,
Et son âme s'écoule.
Chaque goutte l'amenuit,
Chaque goutte le réduit,
Le liquéfie, petit à petit.
L'ennui l'a conduit,
Là où tout fuit.
Il sait que derrière lui,
Son passé le poursuit,
Il sait que devant lui,
La vie s'enfuit.
Et la pluie le ravine,
Et son corps décline.
Son répit est de savoir,
Qu'en s'engageant ce soir,
Dans la rue du désespoir,
Il ne pourra plus décevoir.
Il erre alors dans le noir,
Et se répand sur le trottoir.
Son ultime espoir,
Est de se laisser boire,
Goutte après goutte,
Par le dernier avaloir,
Au bout de sa route.
Aspirée par le goulot,
Sa vie longe le caniveau,
Et la pluie sur lui ruisselle,
Et tout son être chancelle.
Sur le trottoir miroir,
Les quelques flaques,
Laissées par son passage,
Ne reflètent que tristesse,
Et la pluie qui claque,
Est la seule caresse,
Qui lacère son visage.
Sur le trottoir mouroir,
Chaque goutte sur lui,
Dissout lentement sa vie,
Chaque goutte de pluie,
Emporte enfin l'ennui.
Le trottoir est un lavoir,
Et la pluie son battoir,
Et l'homme-pluie sourit,
Car il sait que tout est fini,
Qu'il sera bientôt dissous,
Dans le dernier égout,
Et qu'il rejoindra le néant,
En se noyant dans l'océan.
Tisseur de Rimes
