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Olivier JOUSSET

Réveil

Profiter de l’instant
le surprendre le figer le suspendre
lui souffler des silences
lui attiser les braises
le troubler
l’entendre frémir
l’écouter rougir
le sentir sourire
sourire et s’évanouir
Allumer sa Lune
rousse ronde blonde
Caresser ses cœurs respirer ses lueurs aspirer ses parfums
orange bleu mauve
Contempler ses quartiers visiter ses cratères
Aller à la plage au bord de ses mers
Saisir ses pierres accueillir ses lumières
Y poser juste un doigt
ou deux
pour cueillir une larme
ou deux
L’effleurer la cambrer la mouiller l’écarter et la prendre là
debout
dans la poussière lactée dans la lave brûlante
Lui offrir sa jouissance
son râle
son cri
Animaliser son essence ses sens
Devenir sa saillie
son antre
sa vie
Croquer sa pomme d’Amour
rouge sucrée craquante
sous le pommeau de douche ruisselant sur ma bouche
de ma pomme d’Adam sur ses seins animés
L’Amour le voilà
l’Amour encore lui l’Amour toujours luit
l’Amour solaire solitaire saule pleureur saut de l’ange
l’Amour à mort percé de banderilles dans le sang de la Reine
l’Amour capoté étouffé maladroit jaloux aigri et sans rêve
l’Amour propre sali qui nous pompe et nous crève
l’Amour du poète qui nous veille et nous sauve
l’Amour blessé tordu magnifique impossible
l’Amour tristement gai et joliment barbare
l’Amour à la sauvette sur la banquette arrière
l’Amour heureux malheureux perdu éperdu
l’Amour fou l’Amour doux l’Amour liesse en détresse
l’Amour cochon l‘Amour vache
l’Amour félin des amours chiennes
l’Amour louve l’Amour hyène
l’Amour éléphant l’Amour hirondelle
l’Amour des lionnes pour leurs petits dans l’odeur des savanes
l’Amour bestiaire bestial bête comme chou
l’Amour fruits et légumes
Oh oui! Fais moi encor’ Chérie!
Une turlute à la fraise du sirop d’abricot une tétée potagère!
Ça coule de partout une orgie de cascades une cascade d’ Amour
et le revoilà je vous l’avais bien dit
l’Amour encore lui l’Amour toujours luit
Il prend toute la place
au beau milieu du lit au milieu des rivières
sous la voûte étoilée dans le noir de nos vies
Je pense à tout ça dans le matin fané
je pense à la Lune repartie se coucher
je pense aux ouragans d’hier à la paix de demain
Je pense: Je pense trop
Je pense même: Je pense trop que je pense trop
Je pense à un gros trou avalant mes pensées
Je pense: J’ai peur de me faire avaler
Alors je pose mon souffle sur un fil de pénombre
J’entends sourire Bouddha et sa tête impassible
J’entends les oiseaux emballer les cadeaux
J’entends que je respire
c’est un signe qui trompe pas
J’ai atterri une fois encore
sur le monde des débuts sur le monde défunt
Il y a des chiffres rouges qui brillent à côté de moi
comme un rappel vermeil à l’ordre des choses
C’est la vie qui se rassure en affichant leurre
Mon p’tit cœur tambourine et me dit lève toi
Il y a mon chat qui miaule et réclame
à boire à manger un câlin sur mon ventre
Il y a l’envie de pisser et de boire un café
Il y a les jours qui passent qu’ils soient bons ou mauvais
Il y a ce sentiment de remplir son sac
de petits mots d’instant qu’il a griffonnés
et oubliés là
sur la terrasse en bois baignée de rayons fauves
Il me dit s’il te plaît
dessine moi une balançoire et un siège en diamant
fais frémir le grand chêne pour touiller la lumière
attrape l’air et le vent et les plumes du soleil
J’ouvre les bras pour profiter de lui
le surprendre le figer le suspendre
J’embrasse son fantôme
il est déjà parti
comme un papillon blanc dans le feu translucide…