La faisane le sait et veut faire conquête De ce fier Artaban plus beau que le soleil. Elle tape du pied, elle hausse sa crête Caquette doucement pour le mettre en éveil.
Notre paon ébloui, en perd un peu la tête Comme tous les nigauds qui courent le jupon Il oublie la prudence et il veut faire fête A cet aimable objet aux attraits si fripons !
Voilà nos amoureux en ardent tête-à-tête Le paon y perd des plumes et la belle, un jupon Mais aucun ne se plaint : aucun détail n'arrête Le beau couple d'amants en leur copulation
Mais soudain, du sous-bois, surgit, tel un lion Dressé sur ses ergots, enflant sa caroncule Le mâle Phasianus (qui se nommait Léon ! ) Et devant qui, le paon, effrayé se recule.
Mais las, il est trop tard, et le jaloux, furieux, Se jetant à sa tête en criant de dépit D'un violent coup d'ergot lui lacère les yeux Puis repart dans les bois avec sa tendre amie...
« O, ciel! Epargne -moi ! Abaisse-donc ton glaive O toi, le dieu des paons et venge mon honneur Qu'ai-je donc fait de mal, pour voir briser mon rêve Et perdre, de mes yeux, les aimables lueurs ? »
Mais le ciel est muet et notre paon aveugle S'en va, désespéré, tâtonnant, trébuchant Et soudain, un grand cri (comme un taureau qui meugle) Sort de sa pauvre gorge en un chant déchirant:
LEON ! LEON ! LEON ! LEON ! LEON ! LEON !
Le paon infortuné, pour clamer son dépit Sans cesse répétait l'interminable cri... Il épousa, plus tard, une paonne un peu mûre Qui légua cette tare à sa progéniture !
MORALITE
Si vous voyez un paon courir sur vos talons Les yeux levés au ciel en appelant Léon Ne vous effrayez pas, pensez à mon histoire Et à ce que l'amour peut causer de déboires !