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Michèle CORTI

Le paon amoureux (1)

Un paon épanoui, franc et de beau lignage,
Parure du grand parc attenant au château,
Vit passer, certain jour qu'il lissait son plumage
(Ocellé de beaux yeux comme autant de joyaux)

Plus jolie que les fleurs d'un matin de printemps
Une tendre faisane à la mine pimpante
A la gorge dodue et au pas nonchalant
Qui lui fit un clin d'oeil des plus émoustillants...

N'étant jamais sorti au-delà des frontières
Du parc majestueux où il naquit un jour,
Notre godelureau accosta sans manière
La faisane jolie pour lui parler d'amour.

Il fit la grande roue et poussa un cri rauque
Qui résonna très loin au profond des sous-bois
Mais la belle rouée fit celle qui s'en moque
Et détourna les yeux, le laissant aux abois!

Il n'avait en effet, jamais encore vu
Ces êtres délurés qui tiennent à merci
Un ardent amoureux, en jouant les vertus,
Qui le troublent, l'amusent et puis le remercient !

Il n'avait fréquenté que poulaille commune
Enfermée au logis, qui caquette et qui pond,
Et, souvent esseulé, il parlait à la lune
D'une tendre âme-soeur, en rêvant de jupons...

Il est vrai que la belle avait tout pour lui plaire
Et la patte légère et le jabot renflé :
Rien qui l'apparentât aux humbles ménagères,
Filles de basse-cour, qu'il avait fréquentées.

Une dinde, autrefois, lui avait plu, pourtant.
Mais le dindon, jaloux, avait la belle en main
D'un méchant coup de bec, il chassa le galant
Qui prit garde de le croiser le lendemain !

Fort de cette expérience, il observa les bois
D'où venait de surgir l'avenante friponne
Afin de déceler si un mâle sournois
N'était point aux aguets, mais... l'affaire a l'air bonne

Il ne voit qu'un renard regagnant son logis
Un écureuil peureux qui remonte à son chêne
Et peut donc s'approcher, heureux, épanoui,
Du si charmant objet, puisque rien ne les gêne.

La belle, cependant, sent son coeur s'émouvoir
Car, aussi beau qu'il soit, le plus beau des faisans
Reste penaud et laid, regardant son miroir
Quand surgit, rayonnant en majesté, le paon !