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Michèle CORTI

Le cochon amoureux (2)

Ainsi va toute vie : à l'aube de nos jours,
L'expérience nous manque et nous voilà bien sots,
Nous sommes aveuglés et croyons que l'amour
Nous sera prodigué, sans fin, et à pleins seaux !

Ne jetons pas la pierre à ce pauvre Gaspard
En son ingénuité,
Car nous verrons plus tard
Qu'il sut bien surmonter forces adversités...

Or donc, chaque matin, la fermière venait
Accomplir son ouvrage
Et nous le coucouner
Emplissant à ras bord, de quelque bon fourrage

L'auge du dit Gaspard
Lui disant :"A ce soir, bon courage,
Je n'arriverai pas trop tard!
Que voulez-vous qu'il crût,

Qu'il n'était point aimé ?
Il n'aurait jamais pu
De son sort, se douter !

Car il advint un jour, aux abords de décembre
Quand le vent souffle fort, que les prés sont givrés
Qu'on aimerait rester tout le jour dans la chambre
Et savourer enfin la chaleur du foyer,

Il advint donc, disais-je
Dans la ferme voisine, un grand évènement,
Et quand tomba la neige
Ce ne fut pas le froid qui lui glaça les sangs

A ce pauvre Gaspard, mais un cri si terrible
Apporté par le vent
Qu'il en fut pétrifié et entrevit l'horrible !
Vous l'avez deviné, on tuait un cochon

Et le vent indiscret portait jusqu'à la soue
De notre tendre ami, les protestations
De la victime émue, qu'on pendrait au plafond
Et ces visions d'horreur envahissent l'esprit

Du malheureux Gaspard qui tombe sur la paille.
Ses membres sont tremblants et son teint devient gris
Il s'apprête à livrer sa dernière bataille.
Le voile de ses yeux se déchire soudain

Il comprend, il voit tout,
Et le regard joyeux de Fanchon, au matin
En entrant dans la soue,
Et sa main potelée qui lui tâte les reins !

Il se jette à genoux,
Pressent son triste sort,
Et sa gorge se noue
Car il croit voir la Mort !