Rampant dans le jardin, le chiendent maléfique Lorgnait d'un oeil narquois une pomme d'amour Qui, gorgée de soleil, satinée , magnifique Rendait grâce à l'été à la fin d'un beau jour.
"Ne vous réjouissez, disait la sale bête Je vivrai plus que vous ne pouvez l'espérer, Je suis au plus haut point vivace, et tiendrai tête Au piocheur intrépide, au meilleur jardinier
Vous renaîtrez, c'est sûr, dit la belle en courroux Mais pour mieux étouffer le sol, ô plante ingrate Tandis qu'à petit feu, à bouillonnements doux On confira ma chair virant à l'écarlate !
Je consens fièrement à mourir par le feu : De cet acte final on tirera substance, L'homme se nourrira de mes sucs délicieux Alors que pour son dos, vous n'êtes que souffrance.
Si l'on me sacrifie, ce n'est point par dépit C'est par admiration pour mon goût délectable, Il me plaît d' honorer les ardents appétits Conviés au giron généreux d'une table.
Et l'on s'exclamera , me voyant rutiler Sur la pizza dorée, sur la pâte moelleuse, Associée au râpé que l'on fera filer Dans un double plaisir qui me rendra heureuse ,
Tandis qu'au vent mauvais d'un jardin hivernal Dans le noir et le froid, et peut être la glace Vous ramperez, sournois, et, ne songeant qu'au mal Nourrirez vos bourgeons en attente vorace...
Toujours et sans répit on vous pourchassera Un moderne poison à l'allure assassine Sous des coups sans merci vous éradiquera Tandis que je vivrai, reine de la cuisine !
Il en fut fait ainsi que le disait la belle Le chiendent expira sous les coups du poison Et l'on put cultiver sur la grande parcelle Mille pommes d'amour reines de la maison !