Un rat sans foi ni loi, mais de fort belle trogne Qui vivait d’expédients et grugeait ses voisins Décida d’émigrer et partit sans vergogne Endossant pieusement cape de pèlerin
Au bout de bien des mois et de lieues parcourues, Subsistant d'aumones et de menus larcins Voici qu’il arriva à Paris, dont les rues Grouillaient de rats dodus autant que des porcins
Il gèle à pierre fendre, et déjà le rat caille Il lui faut trouver cape et chapeau bien fourrés Un pourpoint de velours ajusté à sa taille Et quelque gros gourdin en cas d’échauffourées
Notre rat scélérat au fond d’une boutique Trouve à se déguiser en habits de son goût Le voilà rajeuni de manière magique Il n’est plus rat miteux qui inspire dégoût !
Une rate passant, il vous l’embobeline Et la belle, charmée par sa mine avenante Offre un gîte douillet, et comme on l’imagine Le rat hante au logis de galantes soupentes
Sa langue bien pendue à Paris fait merveille La cour du Rat Soleil lui est bientôt promise C’est ce que lui chuchote un matin à l’oreille Un rat qu’on nomme ici son Eminence grise !
Notre rat courtisan en effet fait courir Le bruit qu’il est seigneur en pays de Cocagne Et que de ses castels il fera parvenir Au Rat Soleil tous les trésors de sa campagne
Au pays du pastel on est riche à foison, Depuis le Lauragais aux portes de Toulouse Où l’or bleu entretient de splendides maisons Qui peuvent éblouir plus d’une âme jalouse
La belle courtisée lui offre un équipage Quelques valets de pied, costumes d’apparat, Un cocher dévoué et même un petit page Mais qui reconnaîtrait maintenant notre rat ?
Comme le Chat Botté qui jadis fit fortune Le rat séduit le roi par de beaux arguments Il repart du château chargé de tant de thunes Qu’il lui faut tombereaux pour emporter l’argent
Moralité:
Il est, depuis ce jour, grand Prince à Ratisbonne Il boit du vin du Rhin et mène joyeux train Menteur qui vient de loin, un beau jour se couronne De rat dans le ruisseau, il passe souverain !