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Manu GIBERT

Avant-hier

Avant-hier


(intro) Je reviens, nostalgique, sur cette vieille terre.
Il y a vingt mille ans, c’était encore ma mère…
Mais qu’est-ce qu’elle a changé ! Plus de bleu, ni de vert !
Que s’est-il donc passé depuis avant-hier ?

*

Lorsque je l’ai quittée, voguaient encore partout
Des lynx, des albatros, des baleines, des loups .
Son ciel était parfait, ses mers étaient limpides ;
La mort, quand elle passait, ne laissait pas de vide…

Et il remonte en moi, en lame-souvenance,
Ce souvenir de bois d’un paradis qui danse :
Ma lance était solide, j’avais l’âme sauvage ;
Au moindre cerf tué on rendait un hommage…

Mais ce monde nouveau, est-il bien fils du mien ?
J’y vois comme des villages puissants de mille riens,
Verticaux encastrés, faits de pierres et de verres,
Et qui coupent des hommes éclatés, des enfers…

Même dans les étoiles, il s’en trouve de fausses,
Jouets lancés en l’air, mascarade qui fausse
Ce qui faisait, jadis, qu’on avait des limites :
Celles de la nature, les seules dont on hérite.

Que s’est-il donc passé depuis avant-hier ?

Curieux, je suis allé jusqu’au cœur des cités.
Passe encore les odeurs : je m’y suis habitué…
Mais le bruit, les vitesses, les cerveaux d’argent sourds;
Mes lointains descendants sont devenus trop lourds.

Ils semblent avoir perdu, au fil du fil des siècles,
Et le sens du Sacré, et le sens du miracle.
Non point celui des dieux dont on parle ici-bas,
Plutôt celui de l’âme allant plus loin que soi.

J’en ai vu tabasser des phoques sur banquise
Pour faire des pommades à de vieilles marquises ;
J’en vis d’autres couper quelques mains de gorilles,
Les vendre en cendriers à de blanches bordilles.

Mon cœur en a failli défaillir de colère.
Tant de désinvolture et de hargne sur terre
Venant d’homme-animaux oublieux d’origines
Jusqu’à noyer de sang leurs cousins légitimes.

Que s’est-il donc passé depuis avant-hier ?

Déchu de tout espoir, cet avenir condamne
Le triste et doux regard du guépard de savane :
Il y a vingt mille ans, j’étais un prédateur.
Voilà que mes enfants se sont faits massacreurs.

Toutes les danses et transes des sorciers chamaniques