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Louis FONTAS

L'ODYSSEE DU TORRENT

(Fable)


Dans un site enneigé, couronné d'une cime,
Insouciant et gai, gambade le ruisseau;
Il dévale joyeux, se jouant de l'abîme,
Admiré du Soleil qui se rit de ses sauts !

Il offre à la vallée ses frasques ingénues,
Traversant les forêts de sapins argentés.
Abandonnant au loin le domaine des nues,
Il puise l'embonpoint aux terrains arpentés.

Le voilà parvenu à sa taille d'adulte;
Une intense fierté s'empare de son coeur,
Majeur et confiant, il triomphe, il exulte,
Oubliant son passé, sans regrets, ni rancoeur.

En toute plénitude, il savoure sa gloire,
Admirant, satisfait, sa croissance finie,
Rêvant de sa grandeur et se plaisant à croire
Aux merveilleux atouts de sa chance infinie.

La montagne entaillée va lui servir de guide;
Il pénètre en son sein l'esprit très apaisé,
Sans songer un instant que ce corset rigide
Enserrera son cours d'un carcan malaisé.

Pourquoi donc, pense t-il, ses blancs cousins neigeux
Proclament-ils partout que l'Homme n'est pas sage,
Il adore l'argent et ne pense qu'aux jeux,
Alors qu'il a construit cet imposant barrage ?

L'Homme n'est pas mauvais, se dit l'ancien torrent,
C'est pour me protéger qu'il place la stature
Immense d'un colosse en guise de parent
Et non pour exploiter les dons de la Nature !

C'est alors qu'un chaos dans un bruit de tonnerre,
Arrête l'indolent bourré d'illusions,
Ignorant de savoir que toute vie sur Terre,
Ne s'écoule jamais sans un flot d'effusions.

Le monstre de béton aux mâchoires d'acier
L'écartèle, le rompt, de sa joie fait ripaille,
Avalant en glouton l'énergie du glacier...
"Comment se dégager d'une telle tenaille ?"

Une ondulante Fée dominant le vacarme,
Adresse au patient ce conseil mérité :
"Continue ton chemin, même au prix d'une larme
En dispensant l'Amour envers l'Humanité !"

Son labeur achevé, le flot majestueux
Coula des jours heureux jusqu'à la mer lointaine
Empruntant aux vallées leurs tracés tortueux
Le corps, certes, fourbu, mais l'âme souveraine.

HOMME, N'ES-TU SEMBLABLE A CE HEROS DE L'ONDE,
ET TOI, SOCIETE, AU BARRAGE QUI GRONDE ?