Soleils, éclatez-vous
La beauté, je la sens, elle vient d’effleurer
Le front blond d’un soleil perché dans les nuées
Renvoyant sur le mien des filets de suées
Si mouillées que je crains que je viens de pleurer.
Aux mains du mendiant tendues pour les aumônes,
Je préfère les yeux lumineux de l’enfant
Se levant, un matin, heureux et recoiffant
Jésus-Christ ceint d’un buis, couronné d’anémones.
Ô, merveilles, soleils, vous tombez dans des seaux
Sur un flot d’eaux usées heureuses de revivre
Après avoir été transies par neige et givre
Et prélevées dans le lit commun des ruisseaux.
Libérez-vous, soleils, retrouvez les nuages,
Sortez du bas niveau des sales caniveaux
Où la langue des bœufs a trempé, où leurs veaux
Ont léché du salé caché dans ces « breuvages. »
Pactisez avec le désert et le Berbère,
Enflammez les canyons, montrez-vous sur les monts,
Carbonisez Satan, grillez les trois démons
Gardant la porte des enfers en un Cerbère.
Laissez venir les vents soulevant l’océan,
Jaunissez notre lune éclairant la lagune
Et ce marin défait, perché haut sur la hune
Chantant, les bras en croix, assis sur son séant.
Ô pluies grises d’hiver, Ô nuages d’automne,
Face à vous, en dessous, combien donc valons-nous ?
A travers les printemps, vers où diable allons-nous
Quand le cou porte une tête au poids d’une tonne ?
Après tout, peu importe, est ouverte ma porte
A la patte mi-blanche, au gueux sans diamant,
Au geai privé de branche, à l’enfant sans maman
Et toi, frère Abdallâh, viens, que ta joie t’emporte
Là où sont, éclatants, les soleils de tes vies,
Les yeux clairs assassins de tes nuits de terreur
Entrés dans des seaux d’eau sûrement par erreur ;
Bois-les, tes soifs – jamais - ne seront assouvies.
Bois-les avec Jésus, Mohammed ou ton Père ;
Dieu ! Que ta langue est rose et que tes doigts sont fins
Autour du ciboire qui apaise tes faims
D’astres liquéfiés sortis de leur repaire.
