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Jean-Michel BOLLET

Martyrise ton coeur

Martyrise ton cœur et ta peine toi-même ;
Ne laisse pas un autre éteindre ton enfer ;
Essaie de conjurer l’hérétique blasphème
En taisant devant Dieu que ton âme est en fer.

Assouplis-là en la frappant sur un écueil !
Garde fermé ton œil sur la blessure ancienne ;
Ne chante pas d’antienne et ne fais pas accueil
Aux preuves esquivées par la cartomancienne.

Le volcan bout en toi : Il n’est pas au-delà
De ton pas qui s’allonge en portant ta carcasse ;
Tu cherchais le bon toit quand ton cœur chancela…
Mais, tu hurlas : « il faut que je me décarcasse »

Laisses-tu s’épandre la douleur chaque fois
Qu’accourt l’effroi glaçant de ne plus rien comprendre ?
N’es-tu pas mordu par la grâce et par la foi
Quand tu trembles de froid, acculé à te rendre ?

Veux-tu phagocyter souffrances et poison
Qui grignotent ta vie ? Alors, enjoins l’angoisse
Et la gluante poisse à briser la cloison
De l’étanche prison de ta vieille paroisse.

Flagelle-toi avec bâtons, fouets et chaînes ;
Des hommes énormes, poilus, fessus, imbus
De leur force à l’écorce égale aux puissants chênes
Sont issus des mêmes monstrueuses tribus.

Tu es au milieu de l’arène et le combat
Commence avec une entrave entre les chevilles
Et le premier pas que tu fais te met en bas
A tel point que – vexé – tu te recroquevilles.

Tu es un gladiateur : prends le bouclier d’or ;
Bats-toi jusqu’à la mort en usant ton courage ;
Le cygne, avec le preux, aiment chanter la mort
Avant d’expirer, seuls, le cœur empli de rage.

Dans l’œil du lion tu lis son amer regret
De n’être plus le roi des animaux : tue-le ;
Toi aussi, petit, tes amis te dénigraient ;
Pas de sentiment : tue, écorche-le, tue-le !