Vos
poèmes

Poésie Française : 1 er site français de poésie

Vos<br>poemes
Offrir
ce poème

Jean-Michel BOLLET

Ma patrie

Ils chérissent les républiques
Et vont libres, l’anneau au bout
Du nez comme bœufs bucoliques
Et, moi, petit, je suis debout.

Que me fait donc, à moi, raté,
Un cœur mou désireux de vivre
Comme un fruit sec déshydraté
Qui d’un nectar pur veut être ivre ?

Ma patrie, elle est à Paris
A La Chenalotte, à Moulins ;
Auprès d’une indienne en sari
Tournant les ailes d’un moulin
Dans un angle bossu du monde
Et ma tente, moi, je la plante
Sur une platitude ronde
Où mon pied posera sa plante.

J’ai mis dans mon lit ma patrie,
Mes bras hissant haut le drapeau
De ma conquête et je ne trie
Jamais la couleur de la peau.

Si une patrie a l’ennui
En salivant à nos ébats,
Je l’enjoins de passer la nuit
Au premier étage ou en bas.

Et quand je me couche, je songe
A voyager dans l’inconnu
Car le mal du pays me ronge,
Ce pays non dans l’O.N.U.

Tous les hippies ont pris la route
De Rochefort à Katmandou ;
Ma route me suit, me suit toute,
Sans patron et sans prêtre hindou.

Mon toit est au-dessus de moi,
Soufflant, soulevant mes cheveux ;
Les cieux me couronnent, moi, roi :
L’oiseau bleu m’en a fait l’aveu.

Le vent n’habite nulle part,
Je l’ai vu hier chez les Bantous
Et au moment de mon départ
Il s’envolait pour le Ventoux.

Devant moi, s’ouvrent, plaines, champs ;
Derrière moi, le ravin croule ;
Demain, j’inventerai des chants
Pour que le caillou du ru roule.

Mes amis sont la sente blonde,
La forêt, le mont et le lac
Et avant que le glacier fonde
Dans mon dos pèsera mon sac.

Mon être est différent de l’Autre :
J’agis, je pense et je me sais
Pas meilleur et pas pire apôtre
Mais je parle et chante en versets.

Dieu voulut-il me faire naître
Ou serais-je né par hasard ?
Voudra-t-il un jour me connaître ?
N’a-t-il qu’un regard pour César ?

Ma patrie sera ventre creux
Au confluent des éléments
Qui me réduiront, moi, l’affreux,
En terre et mer, également.