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Jean-Michel BOLLET

J'ai des soleils

Je la sens, la beauté, elle vient d’effleurer
Le front blond d’un soleil perché dans les nuées
Renvoyant sur le mien des filets de suées
Qui me privent de voir ce que je dois pleurer.

Aux pleurs du mendiant quémandant de l’argent,
Me sied mieux le rire de cet enfant battu,
Se levant, un matin, livide, courbatu
Priant Jésus dans les cieux baptisé par Jean.

Ô, merveilles, soleils, vous tombez dans des seaux
Sans jamais vous noyer et l’on va vous jeter
Dans des eaux avalées par un trop rouge été
Brûlant dans ses fourneaux des charbons infernaux.

Libérez-vous, soleils, remontez dans le ciel,
Sortez du bas niveau des sales caniveaux
Où la langue des bœufs a trempé, où leurs veaux
Ont cru lécher du sel quand ils lapaient du fiel.

Pactisez avec le désert et le Berbère,
Enflammez les canyons, montrez-vous sur les monts,
Carbonisez Satan, grillez les trois démons
Gardant la porte des enfers en un Cerbère.

Laissez venir les vents soulevant l’océan,
Jaunissez notre lune éclairant la lagune
Et ce marin défait, perché haut sur la hune
Chantant, les bras en croix, assis sur son séant.

Ô pluies grises d’hiver, Ô nuages d’automne,
Face à votre mystère, oh ! combien valons-nous ?
A travers les printemps, vers où diable allons-nous
Quand le cou porte une tête au poids d’une tonne ?

Après tout, peu importe, est ouverte ma porte
Au mendiant sans dents, sans main blanche, aboyant,
A l’enfant dormant sur une planche et croyant
Et toi, frère Abdallâh, que ta folie t’emporte

Là où sont, mon ami, les soleils de tes vies,
Les yeux clairs assassins de tes nuits de terreur
Entrés dans des seaux d’eau sûrement par erreur ;
Bois-les, tes soifs ne seront jamais assouvies.

Bois-les avec Jésus, Mohammed ou Vishnou ;
Trempe ton front brun, ton nez fin ; ta langue rose
Lapera jusqu’à plus faim, jusqu’à la névrose
Les soleils déglacés coulant sur ton burnous.