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Jean KOBS

L'aïeul

Je ne saurai jamais le secret de ta vie,
Le village où tes yeux auront pu voir le jour,
Le seuil où s’écoula ton enfance ravie,
Ni ton dernier chagrin, ni ton premier amour.

Car vous avez été si nombreux en Ukraine
À porter ce nom-là, depuis les anciens temps,
À courir le pays, semant la bonne graine
Dans les cœurs assoiffés de rythmes palpitants.

Et toi, tu fus l’un d’eux, messager de bylines,
De fables d’autrefois soupirant dans les vers,
De chants qu’on écoutait dans le jour qui décline,
Dans les flocons de neige et les longs soirs d’hiver.

Tu n’étais qu’un kobzar, parmi d’autres, en somme,
Qui sus faire vibrer ton cœur dans ta kobza,
Pour en bercer l’espoir et la peine des hommes,
Qui t’en vins pour jouer un air, et qui passas…

Mais tu restes l’aïeul admirable, l’ancêtre
Dont j’ai dû conserver, bien mieux que des portraits,
Le visage vivant au tréfonds de mon être,
L’accent mélodieux que tu reconnaîtrais.

Ce sont tes anciens airs qui vibrent dans mes cordes,
Et c’est ta main encore qui tremble dans mes doigts ;
C’est ton nom qui survit dans celui que je porte,
Ton âme dans mon cœur, et ton chant dans ma voix.