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Jean CAELEN

Le réel qui n'en est pas

A l’angle de la rue tiède, sur les pavés de terre à la lueur
mauve de la nuit
Un fanal dans le port et une barque qui penche
Eclat de rire, éclat de verre, éclat de lune
Assemblés sur tes lèvres qui flottent dans mes mains
tremblantes
Reflets de mes pas près de la fontaine
Comme un marin en partance à l’angle de cette rue tiède.
La mer est lointaine, âcre, dévorante sous le palmier agité
Qui fourmille de rêves et d’idolâtries parcheminées
De cette peau transparente dans le sable gris.
Mais ce n’est pas mon histoire, ce n’est pas ta main
non plus
Ce n’est pas ton visage désincarné et cette route vide
Ce n’est pas là la navigation de l’attente sous le réverbère
mauve
Sur des pages vierges comme des femmes voilées
Blanches et noires sur la partition fanée.
Non, mon histoire est sur des pavés de terre dans les champs
Dans un port qui sans cesse veille et écoute
Qui t’attend dans cet éclat de vie
Dans une nacelle qui m’emporte le long des falaises
Comme une aile volante qui vibrerait sous le vent
Parcheminée de vagues incarnées.
Au chemin montant, dans le repli du vallon
Sans boussole, sans ancrage, tu flottes dans mes mains
tremblantes
Femme sans voile, femme marine, éclat de rire
Qui agite un fanal dans l’amour
Barque qui penche et m’offre la main et m’invite
Vers la mer lointaine et dévorante sous le palmier
qui déclame des poésies.