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Jean CAELEN

Destin

Sur le pas de la porte, à l’angle de la vie
Un homme rêve et regarde les étoiles.
Il froisse une lettre, il froisse un regard
Dans l’irisation de cette frange d’eau
Qui fragmente l’espace et le duplique à l’infini.
L’oubli, l’espérance et cette attente
Là sur le pas de la porte, entrer ? Sortir ?
Ou marcher dans la rue et revenir ?
Rien ne le prédisposait à cet instant d’attente
Il n’avait aucun désir autrefois que ce rêve diffus d’être
Il n’avait rien dans ses mains que ce printemps ensoleillé
Qui l’a conduit ici sur le pas de cette porte.
Il est à l’angle de la vie, une rue étroite
Peu de passants tout est calme, ordonné, presque paisible.
Elle le regarde, hésitant, rêveur, étranger
Il froisse une lettre, l’a-t-il reçue ? L’a-t-il écrite ?
Il froisse son propre regard qui ricoche et se perd dans cette flaque d’eau
Qui est un bout de mer porté par les vents
Un bout de pleurs, salés par les vagues
Qui ne sont jamais descendus dans la rue
Qui n’ont jamais franchi le pas de la porte.
Elle s’approche, lui tend la main, il la prend.
Elle l’attire vers la rue et vers la ville entourée de murs.
La lettre était ce texte-ci, ces mots que vous lisez,
Ni lui ni elle ne l’avaient écrite.
Il l’a alors jetée.
La rue s’est refermée sur eux, ils sont sortis de la ville.
Ils se tiennent maintenant par la main et vont vers la mer.