Les corps allongés Dans les algues du port Suintent Tandis que perché sur la hune Un aigle géant que le vent déplume Ouvre ses ailes en fixant De ses yeux perçants La ligne d’horizon Où le ciel divorce A jamais de l’océan Comme quoi? Comme quoi? Comme des mots qui se séparent De l’air de la chanson
On l’entend qui hurle D’une voix de stentor : « Les femmes et les enfants d’abord! » Puis : « Transportez les vivants S’il en reste Dans les dunes à bâbord! »
Les vivants ? Mais il n’en reste aucun Pas même celui Qui en ce jour écrit Ces mots que vous lisez
Ah ! nous avons souffert De ces longues attentes Des batailles sans fin Des luttes incessantes
Notre sang a coulé Partout Jusqu’aux trous Qui servent parfois de sépultures Où l’on porte en terre Pêle-mêle Les morts et les ordures
Ah ! nous avons souffert Des gerçures du cœur C’est la guerre ! C’est la guerre ! Certes Mais nos âmes endurcies Qui ont tremblé d’abord Ont fini naufragées Comme les barques pourries Dans un coin du vieux port
Ah ! nous avons souffert Des gerçures du cœur C’est la guerre ! C’est la guerre ! Certes Mais nos âmes endurcies Entendent encore