On peut dire l'homme ou le chien La pente du chemin La couleur des fleurs Et l'heure qu'affiche le cadran.
Mais par manque de pot, On ne peut dire Dieu Qui dit de lui qu'il est « Je suis » Mais que nul n'a jamais vu Et qu'on attend comme cet ingénu Qui n'en finira jamais D'attendre Godot.
Dire Dieu n'est concevable Qu'apophatiquement De fait, on ne le voit Pas plus que le vent A moins que le regard Se porte sur les feuilles De Sasafras ou de figiuers Qui aiment s'agiter Certains jours au soleil levant.
Et cependant Paradoxe émouvant Nous voyons Dieu Indirectement, Non pas en contemplant les cieux, Mais en ouvrant plus grand nos yeux. En quelques circonstances, Dans son terrible silence, C'est bien lui soudain qui surgit.
On l'aperçoit dans les bras Qu'on ouvre aux enfants, Dans l'arme qu'on retourne Épargnant l'ennemi, Dans le baiser du père Au fils prodigue de retour, Dans l'affamé nourri Par un geste d'amour, Dans l'étoile guidant Le marin sur la mer, Dans le sourire ému Jailli d'un cœur amer, Dans l'espoir souhaité A cet homme inconnu Qu'on mène à l'hôpital Dans un hélicoptère, Dans l'obole versée Aux pauvresses du coin. Dans le vol d'un oiseau Dont les ailes ont guéri. On l'aperçoit aussi Dans un chant liturgique Un modeste cantique Chanté à l'unisson Peut-être sur fond d'orgue Et plus sûrement encore Sur fond d'accordéon.