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Jacques AADLOV-DEVERS

Les visiteurs 4 - LES VISITEURS COSMIQUES


(Tragédie poétique en cinq actes, suivie d’un Épilogue)
• Godefroy : noble, mystique, archaïsant.
• Jacquouille : gouaille populaire, comique et terre-à-terre.
• Le Chœur : solennel, cosmique, presque biblique.
• Les Loups / L’Amour : allégories puissantes.

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PROLOGUE – LA GENÈSE SELON JACQUES AADLOV-DEVERS
(La scène est obscure. Silence. Un feu s’allume lentement au centre. Des constellations apparaissent sur les murs. Le CHŒUR, voix grave et résonnante, s’élève.)

LE CHŒUR
Au tout début, il n’y eut qu’un point, germe de flamme,
Un éclat suspendu dans l’infini sans âme.
Du vide jaillit soudain l’éclair d’un grand Poème,
Un Verbe incandescent, forgeant le Tout lui-même.

Il fit naître les feux, les astres et les vents,
Et l’ombre s’effaça dans son élan ardent.
La matière et l’esprit, en lutte fraternelle,
Tissèrent l’Univers d’une trame éternelle.

Et l’homme, faible enfant, surgit de ce chaos,
Portant dans ses yeux clairs la mémoire des flots.
Au tout début, modeste, souffrant de faim et de froid,
Puis, découvrant la flamme, orfèvre et noble Roi?!

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ACTE I – LE LIVRE DES ORIGINES
(Entrée de GODEFROY, noble, et de JACQUOUILLE, traînant les pieds. Le feu crépite, vacille sous les gestes maladroits de Jacquouille.)

GODEFROY
Ô Jacquouille, contemple au ciel ces feux ardents,
Ils sont l’écho lointain des premiers firmaments?!
Le Big Bang fut un cri, un poème en lumière,
Qui fit jaillir le monde au souffle de la pierre.

Les atomes dansants, les sphères en cadence,
Tissèrent l’infini d’une céleste romance.
Les étoiles s’alignèrent, comme preux chevaliers,
Et le temps s’agenouilla devant l’ordre premier.

JACQUOUILLE
Je vois?! Les p’tites étoiles, clignant au firmament…
Mais j’comprends que dalle à vos grands mots savants?!
Moi j’vois qu’le chaudron bout quand on y met des flammes,
Et j’préfère un bon ragoût qu’vos grands discours de drame.

GODEFROY
Ignare, écoute donc?! Le mage m’enseigna autant
Que l’atome est la clef des mondes et des vivants.
Les sphères en mouvement, les lois de la matière,
Sont l’ordre et l’harmonie d’une danse première.

Tout se fit d’un seul élan, et toujours tourne encore,
Les galaxies s’enroulent autour des trous si noirs.
Les planètes s’inclinent, comme vassaux loyaux,
Devant le grand Soleil, seigneur des astraux.

Et l’homme sage peut saisir, dans l’élan des astres,
Les présages de l’avenir et la roue des désastres.

JACQUOUILLE
Des sphères, des atomes… j’vous jure, j’y pige rien.
Moi j’vois qu’le ventre crie quand il n’a pas d’pain.
Vos planètes qui roulent, vos soleils qui s’embrasent,
Moi j’préfère un gigot qu’vos astres et leurs phrases.

(Les loups hurlent au loin. Le feu vacille légèrement. Transition vers l’Acte II.)
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ACTE II – L’ERRANCE DES SPHÈRES
(La scène s’éclaire d’une pâle lueur. Godefroy tient un vieux manuscrit. Jacquouille bâille et gratte son ventre.)

GODEFROY
Vois, Jacquouille, ce Livre, écrit par main divine,
Il conte les éclats des sphères cristallines.
Chaque étoile est un signe, un sceau mystérieux,
Inscrit à l’infini dans le parchemin des cieux.

Les comètes sont messagères, flamboyantes lances,
Qui percent l’infini de leurs ardentes danses.
Et la Lune, noble dame, au front pâle et discret,
Surveille nos manoirs comme un suzerain secret.

JACQUOUILLE
Messire, vos grands mots m’font tourner la caboche.
Moi j’vois qu’la Lune éclaire quand j’vais vider ma poche.
Vos comètes flamboyantes, vos parchemins des cieux,
Moi j’préfère un vieux torchon pour m’essuyer les yeux.

GODEFROY
Ignare?! Le mage dit?: «?Les planètes s’assemblent,
Comme preux chevaliers, et leurs forces se rassemblent.?»
Mars brandit son épée, Jupiter son manteau,
Saturne ses anneaux, cercle d’or et fardeau.

Et quand ces astres fiers s’alignent en bataille,
L’homme tremble et pressent l’effondrement des murailles.

JACQUOUILLE
Des planètes en bataille?? Messire, vous m’faites rire.
Moi j’vois qu’c’est les voisins qui s’bagarrent pour du cidre.
Mars, Jupiter, Saturne… ça m’fait ni chaud ni froid,
Moi j’préfère un bon tonneau qu’vos astres aux abois.

(Un grondement sourd retentit. Le feu vacille. Au loin, un hurlement de loup se fait entendre, prélude à l’Acte III.)
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ACTE III – LES LOUPS DE LA NUIT
(Hurlements. Ombres mouvantes. Godefroy tire son épée. Jacquouille tremble et se cache derrière lui.)

GODEFROY
Les loups sont nos ténèbres, nos peurs ancestrales,
Ils rôdent dans la nuit, gardiens des funérailles.
Ils sont l’ombre du monde, l’instinct le plus cruel,
Qui guette l’homme faible au détour du réel.

Les loups sont les mensonges, les faux sages, les tyrans,
Qui mènent les brebis vers l’abattoir, en chantant.
Ils sont nos passions vaines, nos colères, nos haines,
Ils dévorent nos âmes et nourrissent nos chaînes.

JACQUOUILLE
Des loups, des tyrans… mais moi j’vois qu’des crocs,
Et qu’si j’me fais mordre, j’aurai mal au dos.
Vous dites qu’c’est nos haines, nos passions, nos chimères…
Moi j’dis qu’c’est des bêtes qui veulent m’bouffer l’arrière?!

GODEFROY
Aveugle?! Tu ne vois que la chair et la dent,
Mais derrière chaque ombre se cache un mal plus grand.
Ces loups sont les symboles, les reflets de nos fautes,
Ils hurlent dans nos cœurs, et leurs voix nous emportent.

JACQUOUILLE
Messire, moi j’entends qu’ils hurlent dans la nuit,
Et j’préfère un bon feu qu’vos symboles, qu’on dit.
Que si loup y’a, faut l’fuir, le frapper, ou lui jeter un os,
Pas causer d’philosophie quand il montre ses crocs.

(Les loups reculent un instant, puis reviennent. Le feu vacille encore.)
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ACTE IV – LA RÉVÉLATION (LE FEU SACRÉ ET L’AMOUR)
(Le feu baisse. Godefroy s’agenouille, parle avec ferveur. Jacquouille souffle maladroitement sur les braises. Apparition de L’AMOUR.)

GODEFROY
Écoute, Jacquouille, au-delà de la peur,
Il est un feu secret qui brûle dans nos cœurs.
Ce feu n’est point de bois, ni de simple étincelle,
C’est la flamme du Verbe, éternelle et fidèle.

L’AMOUR
Vous parlez tous les deux, et chacun dit le vrai?:
L’amour est double feu, terrestre et sacré.
Il nourrit les corps las, il élève les âmes,
Il est chair et lumière, il est braise et flamme.

(Elle disparaît. Le feu reprend éclat. Jacquouille, troublé, s’avance vers le public.)

JACQUOUILLE
Messire… si c’est ça la lumière, je vois bien qu’elle brille,
Elle me réchauffe l’âme… serais-je un saint-Jacqu’ille??
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ACTE V – LA RENAISSANCE (LA POÉSIE VIVANTE)
(Le feu devient colonne de lumière. Le CHŒUR reprend.)

LE CHŒUR
Ô vous qui cheminez au bord des nuits profondes,
Souvenez-vous du feu qui reliait les mondes.
L’homme est un Adam fou, déchu de son chemin,
Mais son cœur garde encore l’éclat d’un feu divin.

Cherchez donc ce sentier, discret, blotti,
À l’ombre de la sagesse, la sublime harmonie.
Laissez les fous qui errent sur les grandes voies,
Gardez le mystère de l’âme, sa bienveillance, sa joie.

Et si, dans un éclat, son appel vous saisit,
Sachez, braves mortels, renaître en Poésie.

(Godefroy lève son épée. Jacquouille lève sa cuillère en bois. Rires.)
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ÉPILOGUE FINAL – JACQUOUILLE MAÎTRE DES FINS
(La scène est sombre. Godefroy tient le grand Livre. Jacquouille le lui arrache d’un geste brusque et s’avance vers le public, sourire malin, presque triomphant.)

JACQUOUILLE
Messires, mesdames, voyez?: j’ai trouvé la combine,
De choisir chaque fin, selon l’humeur divine.
Mais pourquoi se priver?? Prenons tout à la fois,
Car du grand mystère nul n’est qu’un humble roi.
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1. Le rire
(Musique joyeuse. Une grande table surgit. Jacquouille brandit une chope débordante. Des plats fumants apparaissent. Godefroy, surpris, s’assoit malgré lui.)
JACQUOUILLE
À table, mes amis?! Vinasse et gueuleton,
Et ce soir, messire… Les Visiteurs cosmiques
Passent à la télévision?!

GODEFROY
Par saint Éloi, Jacquouille, est-ce là ton paradis??
(Rires éclatants. Lumière vive, presque aveuglante. Puis soudain, tout s’éteint d’un coup, comme si le banquet n’avait jamais existé.)
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2. L’effroi
(Silence. Hurlements de loups. Le feu s’éteint presque. Ombres mouvantes. Godefroy lève les yeux, grave, son visage blanchi par la peur.)

GODEFROY
Nous ne sommes que mots, perdus dans le néant,
Tracés d’une main froide, balayés par le temps.

(Noir complet. Un hurlement final déchire l’air. Puis, au loin, une lueur renaît, fragile, vacillante.)
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3. La lumière
(Une clarté blanche envahit la scène. Le Livre s’ouvre de lui-même. Une pluie d’étincelles tombe du ciel. Le CHŒUR s’élève, solennel.)

LE CHŒUR
Ainsi l’homme comprend, au détour de ses jours,
Que la chute est semence, et la mort, un détour.
Le Livre est un miroir, mais l’âme est la lumière,
Qui franchit le néant pour renaître entière.

(Godefroy et Jacquouille se tiennent par l’épaule. Silence. Jacquouille, ému, s’avance une dernière fois vers le public.)

JACQUOUILLE
Messire… si c’est ça la lumière, je vois bien qu’elle brille,
Elle me réchauffe l’âme… serais-je un saint-Jacquouille??
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4. La clôture de Jacquouille
(Jacquouille se redresse, soudain plus grave, mais toujours avec son accent populaire. Il regarde le public droit dans les yeux, sans détour.)

JACQUOUILLE
Voyez, mes bons amis, la vie est un festin,
Où l’on boit, où l’on pleure, et l’on prie à la fin.
J’croyais qu’l’amour, c’était d’la soupe et du vin,
Mais j’vois qu’ça réchauffe l’âme… et l’cœur des humains.

Car du grand mystère, nul n’est qu’un humble roi,
Et chaque fin possible est déjà faite… en soi.

(Il s’incline profondément. Le feu s’élève une dernière fois, en colonne de lumière. Rideau.)
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