Vos
poèmes

Poésie Française : 1 er site français de poésie

Vos<br>poemes
Offrir
ce poème

Iréne Morandini

Quand je passais sur la rive et voyais un désespéré. Conte amer

Il se faisait tard déjà dans ma vie
Quand flânant sur les bords de la rive
J’aperçus un homme se noyer
Les yeux implorants
Il tendait vers moi une main avide
Et si instinctivement je la pris, se fût simplement habitude et on pitié véritable
Il quémandait une aide
Je n’ai jamais su refuser.
Aussi j’ai saisi cette main et vers moi l’ai tiré
C’est à ce moment là que je l’ai reconnu.
Je vous ai tous reconnus
A son regard désespérance
A sa voix clamant «  au secours » ….
Il me souvint de vos voix
Et sa main …..c’était encore vos mains s’agrippant à la mienne

Je vous ai tous revus
Un rigolo le premier qui me poussa à l’eau aussitôt atteint le rivage .
Le deuxième, que j’ai séché longuement car depuis fort longtemps il appelait à l’aide
Sitôt sec a déguerpi,me délestant de mon sac …..juste une canaille.
Le troisième, ramené chez moi afin de reprendre forme
Ses hardes de malheur défripées ,se revêtit d’espoir
Avant de s’enfuir en emportant l’argenterie…seulement un cambrioleur, je me suis dit
Ensuite , je n’ai plus compté.
Puis un jour où je passais sur la rive et voyais un désespéré….je l’ai regardé se noyer
Sauf le dernier
Était-ce le hasard, la fatigue, ou si distraite que par mégarde j’ai pris cette main qui criait
Peut-être criait- il fort, sans doute implorait-il mieux
J’avoue
Il pleurait si bien , hurlait si beau , parfait cinéma mélo- dramatique comme dans les
Mauvais romans .
J’aurais dû me méfier.mais il me parut si fragile tout mouillé sur les bords de la rive
Qu’une fois sorti de l’eau je l’étoffais des ombres de mon âme
Il avait si froid que je le réchauffais aux rebords de mon corps ,
Pour qu’il cesse de trembler aux confins de mon sexe le menais respirer
Il avait si peur! que je le protégeais des lambeaux de mon cœur
Enfin, ..de ce qui m’en restait
Puis il s’est relevé
Plein de cette vigueur jour après jour insufflé, et sur le chemin
Il m’a bien piétinée
Se sauvant tel un voleur , m’a laissée sur la rive ,
Comme on abandonne un chien au moment des vacances
Quand on n’en a plus besoin pour amuser les enfants
Et pourtant , il possédait le regard de celui- ci , la plainte de celui- là
Qui avait en ses doigts un appel semblable à celui de cette main que je tiens là
Et Hale maintenant vers le rivage .
Et je le vois ……comme je vous vois
Et il me crie …comme vous m’avez crié , de la même voix
Il est là…….vous êtes tous là
Alors
Ma jambe droite se lève….appuie sur ses épaules….encore …et encore …
Afin de ne plus voir sa tête avec ses yeux suppliants
Ne plus voir vos têtes
Et quand mon pied devient insistant, pour faire disparaître cette tête
Sous l’eau profondément, jusqu’au moment où sa main se décroche dans un dernier sursaut
M’éraflant la paume , avant de se détendre, emportée par le courant
Silhouette solitaire de blancheur et d’acier sur la rive me redresse
Et vous regarde tous passer
Voguant entre deux eaux , inoffensifs désormais, je vous aime à nouveau .
Soudain m’est advenue une joie amère , un plaisir sauvage d’avant l’humanité
Rien du bonheur douceâtre qu’apporte la bonté.
Cette jouissance amère, aucun de vous ne me l’a procurée
Mon âme s’est calcinée sous cette barbare volupté
J’ai mis longtemps à le noyer.
Ne devait pas être si désespéré !
Sûrement, je recommencerai.