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Iréne Morandini

Ambivalence

On l'appelle Ambivalence

Une femme
Moitié vierge- Moitié balance
Elle roule sa vie en contresens
Course le temps- traîne dans l'heure
Elle est l'ombre de ses jours-l'éclair du rêve de ses nuits
Un clair-obscur - une pénombre
Un jeu d'ombres projeté par l'esprit
Elle est une liberté
Une liberté en rébellion
Qui s'est enfermée dans une prison
Par goût de l'évasion
Une liberté qui se recherche et se poursuit elle-même
Qui se fuit sans cesse-sans parvenir à se rattraper
Une liberté en cavale
Une liberté évadée de l'existence
Elle a un regard aveugle qui oublie les visages
Pénètre en dedans des personnages
Infiltre l'odeur d'une pensée
Plonge au fond des mers de l'émotion
C'est un regard- qui se regarde- une voyance
Elle est - une solitude
Solitude en multitude- multitude en camisole
Où elle s'isole
En elle demeure l'enfance non vécue
Une différence que rien n'a vaincu
Elle est- la sensibilité dans sa chair- une fulgurance
Parmi les habitantes squattant son cerveau-une indépendance
La plus tendre- sans défense - la vivante
Qu'on peut prendre - en jouissance- en souffrance
Que pour fendre- mettre en transes
Il suffit d'une nuance- d'un souffle d'air
C'est une plaie ouverte- qui saigne- ciel ouvert
Un rêve massacré- en transhumance
D'un suicide raté- la dépendance
Une femme
Un drame- Une tragédie - un film
Une chanson- un Poème -une romance
Une comédie -aussi
C'est une question sans réponse
La réponse à une question- que personne n'a posé
La démence d'une raison -a la lucidité- implacable
Lucidité laser
D'un rayon comme un œil ouvert
Ouvert sur l'envers- l'envers de la vie - son enfer
L'enfer affectif d'une carence
Elle s'est perdue en elle-même - et ne se retrouve plus
Vit avec conviction toutes ses contradictions
Elle est- la scène - la comédienne- le scénario
Et l'œil qui les contemple -critique - applaudit
Car elle est- Le public- aussi
Quel est son rôle -où est sa place
Jamais- elle ne l'a compris
Son apparence se multiplie de tant de personnages
Que parmi tous ses masques-elle ne peut plus discerner
Lequel - est son visage
Perdu- entre la scène et l'écran -de ce cinéma permanent
Avec arrêt sur image
Image en négatif -négatif de la photo de l'amour
Le cliché du positif s'est voilé en voyant le jour
Elle est - Une présence -En absence
Qui se cherche partout- en tous-en elle-même
Jusqu'en un ailleurs qui n'existe pas
Elle est là- au loin- en tout- et nulle part
Près de toi- et partie dans un voyage planétaire
Son existence est un néant
D'où surgit l'imaginaire de ses multiples destins
De ce néant elle émerge
La réalité d'une existence à ses rêves
C'est - un espoir - qui n'attend- rien
Un désespoir - en espérance
Un amalgame.
Une femme- en psychodrame
Pour elle l'amour et la haine- soudées en sœurs siamoises
Ne peuvent se séparer
Son amour a la rage de la férocité
Qui ne pardonne- rien- admet- tout
C'est tout- ou- rien- une quête sans fin
Vers un absolu- auquel- elle n'a jamais cru
Elle détient cette innocence qui mène à tous les délits
Exige tous les défis
Coupable envers la loi- condamnée par la société
Elle a- l'innocence- en soi
En soi- culpabilise
Devient son tribunal- son jugement- sa condamnation
Une condamnation sans appel
La perpétuité - dans l'auto-destruction
La mort est ce support qui l'aide à vivre
L'issue de secours pour la fuite de sa vie
Si s'embrase la douleur en incendie
Tant de tentatives ont été perpétrées pour la détruire
Avant sa naissance- qu'elle continue
Sa vie n'est que la reproduction de ce premier repère
Reçu - dans le ventre de sa mère
C'est une rescapée qui se sent coupable d'exister
Une meurtrière - qui s'assassine
Victime de son crime- elle en tire- une jouissance

Elle est- un silence -qui se parle
Un silence que tourmente un bruyant Monologue qui la hante
Un silence qui questionne - se répond
Pesant - de demandes déboutées
Un silence qui raconte une histoire - qu'elle ne dira- jamais
Un silence- indiscret
Elle est- une parole- parole qui jaillit
En cascade de mots- fusée d'idées- livre d'histoires
Une parole - jetée
Une tenue camouflée
Pour taire l'important- le muet
La parole _ que nul n'a écouté
La parole - en absence
Toujours en avance d'un mot- en retard d'un crédo
Elle n'est pas à l'heure de son temps
Comme un oubli de la vie- un bagage resté en consigne d'une gare
Une naissance- sans le cri
Un sentiment immobile- qui ne trouve plus de départ
Un destin sans alibi- une musique en discordance
Telle la route d'un désert- ne menant nulle part
Elle voit- de dune en dune- disparaître sa vie
Engloutie - de lune en lune- sous le sable du temps
C'est- un voyage- sans correspondance
ON L'APPELLE AMBIVALENCE

Avec les déchirures des blessures de sa peau
Elle s'est cousu un patchwork - en rassemblant les morceaux
Des coups de poignard lui ont cloué le cœur
Et l'on changé- en prédateur
Avec les pointes de fer- fichées dans son cerveau
Elle a construit un passage clouté- un passage privé
Filtrant ses amis- ses idées
Une barrière
Si peu en connaissent le mot de passe
Que c'est devenu- une impasse
Maintenant- verrouillée à l'intérieur de son univers
C'est l'autre qui sort- son envers
La sensible blindée- qui n'a peur de rien - puissamment armée
La fille d'airain et d'acier
Sa sœur - dans l'urgence- sa défense - sa violence

Sous sa violence- coule une douceur
Qu'elle maîtrise - de peur qu'on la violente
Sous sa douceur-hurle- l'enfance maltraitée
Saigne- la souffrance de l'enfant mal aimé
Tapis- au fond de son cœur - cet animal blessé
Elle l'entend bouger- tenter de s'échapper
Il a peur- il veut- tuer
Elle l'a ligoté des liens de sa tendresse
Bâillonné de rires les cris de sa détresse
Sa sortie lui cause des frayeurs
Mais- elle ne veut pas qu'il meurt
Car- c'est aussi - une partie de son cœur
Une excroissance

Pour participer au casting de la société
Ni son profil- ni son style
Ne concordent aux normes de leurs critères codifiés
Se vit- caméra cachée - Scènes instantanées
Au scénario improvisé
Se visionne- dans des piéces qu'elle s'écrit à compte d'auteur
Une projection- privée
Où elle se regarde vivre- sans exister
Théâtre itinérant- d'une troupe d'errants
Aux jeux de rôles interchangeants- sur la scène de l'instant
Une scène - un instant - et _ rien- rien- que des passants
Elle joue en intermittent du spectacle dans l'existence
Une existence qu'elle triche- avec un jeu truqué
Sa main tenant un réel- qu'elle agrémente
En sortant de sa manche- la carte du songe
Elle est elle-même - sans savoir qui elle est
Planète égarée- d'un espace inventé
Elle tourne en orbite autour de sa vie

Elle a le courage de ceux que la peur d'être lâches rend téméraires
Un courage- suicidaire
Des héros- où des bourreaux
Un courage - en colère
Sa volonté s'est forgée par le combat de ses faiblesses
Ses faiblesses- volontaires
Elle est tout- et son contraire
Avance dans la vie- en marche arrière
Traverse les miroirs- pour voir- sous son éclat -le revers - de l'histoire
Se meurt d'une vie qui n'arrive pas à exister
Affamée- si affamée de vivre- de vivre à en mourir
Se dévore- à en vomir sa vie
Avec cet excès- un excès en urgence- tout - devient intense
D'une telle outrance- que le pour et le contre
Se rejoignent aux extrémités en ressemblances

ON L'APPELLE AMBIVALENCE

Brasier d'un feu enterré
Femme cendre- femme flamme
Cendre qui sommeille - qu'un courant d'air ranime- étincelles
D'où s'éléve- fumée _ un espoir qui s'éveille
Cendre qui s'éteint - au moindre vent contraire
Redevient ce déchet- résidu de l'amour éjecté
Qui sombre- larmes de suie
Et plombe- d'une ombre- la tombe de l'avenir
Car couve sous la cendre- la braise du souvenir
Elle est cendre- une cendre en veille
Flamme- elle s'incendie
D'une vie intérieure - d'une telle ardeur- qu'elle s'asphyxie
Trop vivante pour exister
Elle n'habite plus ce monde- mais à côté
Chemine à l'extérieur de son existence
Se côtoie sans se reconnaître - sans pouvoir se rencontrer
Brûlure d'un rêve immolé
Elle ne sait plus où aller- qui aimer- ce qui est la réalité
Toujours elle se perd
Dans tous les milieux- tous les endroits
Même dans sa vie s'est perdue trop de fois
Dépourvue du sens de l'orientation
Elle n'a pu trouver le sens de son existence

Elle vit dans l'extrême de ceux que la mort attire
Sombre dans le plaisir- comme si - elle allait mourir
S'ouvre à la souffrance - comme si- elle voulait en jouir
Une conduite - sans amortisseur
Les chocs- la fracassent- en direct- jusqu'au cœur
Sans pédale de freins
Elle descend sa vie- en roue libre
Sans ceinture de sécurité
Elle est passée au travers du pare-brise de la réalité
Une existence- au pied levé
Disloquée- dans un réel en piéces détachées
Le moteur continue à respirer- avance- s'emballe
Une course effrénée- où - elle essaie de se gagner
Une course perdue d'avance
Par déclaration forfait- au départ de l'enfance

Elle est- une menace- en péril
Qui- de sa vie- s'est mise- en exil
Un rêve éveillé - qui fantasme- ses cauchemars
Un réel somnambule - noyé-dans le brouillard
Un défi permanent - pour d'éprouver
Un espoir calciné - qui refuse de périr
Un bonheur balafré- d'un amour à souffrir
Un pas perdu- en quête d'un chemin
Un destin suspendu- au -dessus d'un ravin

Elle aurait voulu être
Un câlin - un parfum- un lendemain - un venin- ou un choix
N'importe quoi
Un indien- un devin- un magicien- un lutin- un bandit
N'importe qui
Enfin- quelque chose- où quelqu'un
Même un chien
Plutôt que- rien
La conséquence- sans importance- d'une malchance

Un jour
Elle en a eu - assez
Elle a voulu- défier- l'évidence
Elle s'est- tuée
Pour savoir-si- elle était - vivante
Son corps a disparu
Même dans la mort- elle s'était - perdue

Peut- être n'était-elle- qu'une essence
Celle qu'on appelait - AMBlVALENCE