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Ioannis BOZIKIS

Jeanne, quand toi tu te tais

Jeanne, quand toi tu te tais,
des faucons surgissent d’entre les vagues sauvages de nos viscères.
Les foudres remplissent les fondements de nos âmes
pendant que les jours inaccessibles se perdent entre nos mains
et seul, les « j’en ai peur » s’entendent sur nos lèvres secrètes.

Quand toi tu te tais,
les sources s’effacent, les robinets se perdent
et les rivières où nos âmes boivent se tarissent
et les clefs de la misère ferment définitivement nos portes.

Quand toi tu te tais,
des temps morts se planent devant nos yeux.
La tristesse murit et la mort aussi.
Et personne ne se souvient de nous
et personne ne nous considère.

Quand toi tu te tais,
toutes les obscurités s’épaississent.
Certains brigands rusés, de leurs pioches et de leurs pelles
creusent les nuits affreuses.
Regarde Jeanne, comment les tireurs criminels
lancent avec précision leurs flèches mortelles
et comment les temps étrangement et indifféremment
s’arrêtent là, devant la mort de l’étreinte gelée.

Quand toi tu te tais,
les oiseaux tremblent et les insectes aussi.
Les arbres frissonnent…
Et tous nous frissonnons dans ces vastes nudités
et sous ces lourdes pressions
de nos impitoyables indifférences.

Quand toi tu te tais,
moi je meurs et tu meurs aussi.
Mais avant tout meurent l’humain,
l’homme ou nos prochains…
Avec nous meurent les routes étroites de la lumière
et notre très joli monde.
Oui Jeanne, notre joli monde…
où des fois tu venais me trouver
pour me dire qu’il était si joli…

Quand toi tu te tais,
il arrive des temps où nous inclinons la tête.
Des temps qui sacrifient et massacrent nos enfants.
Le couteau pointu et aiguisé de Caïn
articule toujours flamboyant.
Et les roses que nous voyons orner les places et les rues
ne sont que les simples cadavres
de nos pauvres consciences et responsabilités assassinées.

Quand toi tu te tais,
l’espoir est définitivement condamné et tué.
Et dès lors il nous devient difficile d’aimer,
de nous aimer et de nous retrouver.
Ainsi, nous comptons…nous comptons…
Oui, nous comptons seulement
nos morts lâches et interminables…

Et cela, ma petite Jeanne quand toi tu te tais
et quand tout le monde se tait d’emblée aussi…