La taie
A peine réveillé, déjà, il fanfaronne
Sur son miroir fané, aux baisers, il s’adonne,
Quelques toasts tartinés, croqués nonchalamment,
Son buste toiletté, le voilà, prêt, vaillant.
Au menu de ce jour, d’abord, métaphysique,
Il fonce enhardi vers le box théologique
Et découvre enchanté que Dieu n’existe pas,
Personne ne l’a vu malgré les télescopes,
Bafouille-t-il, bouffi, dans un cri de xénope,
Ce niston de Gorgias raffine le débat;
Si le divin n’est pas sinon dans mes idées
C’est donc que je le suis, ô subime pensée!
Le voilà, théandrique, affalé, en extase,
Dans son simili-cuir aux odeurs de vieille ase,
Puis, tant ragaillardi que rien ne peut calmer,
Ses vaticinations glairant de logorrhée,
Le voilà en esthète assaillant la Beauté
Qui elle aussi n’est rien que subjectivité,
Ce que je trouve beau provient de mon regard
Et comme il m’appartient, j’en suis le seul censeur,
Ah, superbe sophisme, égolâtre frimeur,
Tu peux ainsi capir tes taches de buvard!
Allons, preux chevalier aux effluves de bouse,
Continue d’écraser ce que tu ne sais voir…
Mais qu’est-ce le Bien se dit-il goguenard?
Sinon ce que je fais, glougloutant sa binouse,
Chacun, en vérité a le droit à l’erreur,
Le mal, c’est le savoir et rester à demeure,
Formidable cliché qui permet les outrances,
On peut se pardonner sans la résipiscence!
Un dernier tour d’écrou et tout sera parfait,
Pour ce fils de titan, fort…en médiocrité,
Puisque je suis mortel qu’en moi règne le vide
A quoi bon gamberger en récitant Ovide?
Qu’on se pète la panse en rire et cochonnaille,
"Jouis de chaque jour », Voilà une trouvaille!
Mais soudain patatras, le voilà tout courbé
Flatulant à tout crin, l’intestin barbouillé,
Il galope tout droit vers son seul sanctuaire,
Remue le popotin dans des coups de tonnerre,
Le visage crispé, concentré sur son oeuvre,
Noyé dans sa sueur, avalant ses couloeuvres,
Le labeur achevé, le voici soulagé,
Il laisse son regard errer dans la cuvette
Et découvre hébété, sa plus belle odelette,
Qu’il ne pourra, hélas, accoucher sur papier….
