Viens, mon amour, je te conduirai aux confins de la terre ; je te ferai découvrir quantité d’espaces parallèles où l’on rêve à son gré, où les rêves se transforment en matière et personne n’est coupable d’avoir rêvé ; je te présenterai aux rois levantins et aux mages nordiques, aux sylphides écailleuses et aux gnomes bicéphales. Et tu te verras entourée de choses qu’on n’a pas l’audace de se figurer. Nous monterons l’arc-en-ciel, nous irons plus loin que ces astres qui brillent là-haut, nous boirons du vin chatoyant et mangerons du pain phosphorique. Puis, ton nom deviendra le mien, et ma voix exprimera tes désirs secrets ; puis, nos corps s’uniront, fragiles et omnipotents comme ils sont, et de leur fusion renaîtra le Phénix. Et le temps perdra son pouvoir : il y aura cinq siècles de paix, des pommes d’or mûriront aux jardins de l’éther, et la nuit veloutée nous bercera dans ses bras maternels. Viens, viens donc, mon amour, suis-moi, mais ne demande pas si nous sommes déjà morts ou si les flammes lèchent en fait le bois sans le consumer. L’illusion du bonheur opposée aux misères tangibles est trop douce pour qu’on la détruise avec de pareilles controverses.
