La Joconde
Tous les gens du quartier l'appelaient « la Joconde »
Pour son humeur affable et son sourire en coin,
Un petit souris qui plaisait à tout le monde,
Aux passants, aux enfants, même au chat du voisin.
La Joconde vivait avenue Jean-Moulin,
A Paris, dans un lieu discret du quatorzième,
Après la BNP, à gauche, au vingt et un,
Où l'on pouvait sonner, y trouver ceux qu'on aime.
Pas tout de suite : après le hall, passez la cour,
Au rez-de-chaussée, aux fenêtres qui fleurissent,
Frappez, vous étiez le bienvenu, nuit et jour,
Sans que les rires et les gueuletons tarissent.
Papy, le lève-tôt, aidait mamie avec
Son gigot, y mêlant une livre de frites
Pour que les invités se ruent à coup de bec,
Jouant des coudes vers la friture qui crépite.
C'était le bon vieux temps des apéros sans fin,
Où le gargantuesque était toujours de mise,
Où papy sur son banjo chantait des refrains
Pendant que les enfants se faisaient des malices.
Ce temps bienheureux qui nous a tant plu n'est plus :
Papy est maintenant un monument de marbre,
La Joconde si gaie autrefois ne rit plus
Que d'un œil morne et vague et devient insondable.
Son tour à présent vient, la Mort lui prend la main
Au petit matin, aux lueurs roses et chaudes.
Dans ce climat serein, la Joconde s'éteint,
La douleur la quitte et plus rien ne la taraude.
Tous les gens du quartier l'appelaient « la Joconde »
Pour son humeur affable et son sourire en coin,
Un petit souris qui plaisait à tout le monde,
Aux passants, aux enfants, même au chat du voisin.