Je connais un essaim bourdonnant tout là-haut Des complaintes ailées, d’emportées ritournelles Ecumant le beffroi ; lui répond en écho Le clocher incessant dans la nuit sensuelle.
Aussi vieux que le temps, il parait éternel. Quand la foule maraude au hasard de ses rues, On dirait que le vent s’insinue pêle-mêle Pour danser la java entre les pierres nues.
Du haut des escaliers accrochés à sa Butte, Où des amants d’un jour se sont jadis aimés, On imagine, au loin, dans la brume éthérée, Des bistrots, des troquets, des moulins qui chahutent.
Des peintres ont guinché dans son Bateau Lavoir ; Rendez-vous des voleurs, c’est au Lapin Agile, Qu’Utrillo, Charles Cros, Van Gogh, Bruant, Renoir Ont fait leurs premiers pas de créateurs subtils.
Les coteaux s’abreuvant aux cépages des gueux, Ses fossés sont gorgés du sang de la Commune ; Mais, se dressant toujours en contemplant les cieux, De Pigalle à Lepic, tout en draguant la Lune,
Le Tertre se déploie à frôler les nuages. Un petit train étire entre les rues pavées Son traînant va-et-vient jusqu’à la Nef Sacrée, Emportant avec lui tant de voyageurs sages.
Et lorsque l’astre blond nonchalamment se pose Sur les dômes bénis ornant son Sacré Chœur, Montmartre resplendit et, en apothéose, Se vêt d’immaculé… comme en apesanteur.
