Si j’avais su alors
Si j’avais su alors qu’en brodant de l’espoir
Sur le brocart des jours du berceau blanc des âmes,
L’océan déchainé balafrerait sa trame
En déchirant des vies pour les draper de noir !
Si j’avais su alors que le Monde à venir,
Prosterné, à nouveau se farderait de haine,
Foulant et piétinant, s’acharnant à flétrir
Tous les commencements de l’existence humaine !
Si j’avais su alors qu’à la fin du voyage
Le train n’accosterait qu’en un shéol immonde
Où de hideux vauriens saliraient à la ronde
Tous les ors de la vie, les vouant au carnage !
Si j’avais su alors que, malgré les promesses
Se lèverait encore un ténébreux brouillard,
Souvenances d’hier d’un Univers sans fard
Tailladant, effaçant, d’une main vengeresse,
L’émanation, l’esprit de tant de créatures
Qui n’avaient demandé qu’à vivre et à goûter
A la paix et aux joies, la grâce et la beauté,
Et n’ont connu que fiel et affres des tortures !
Seuls ceux qui ont lutté ont retrouvé, peut-être,
Un semblant d’accalmie et de sérénité,
Mais aujourd’hui encore en ce pays aimé
L’horreur est revenue traversant leurs fenêtres !
Si j’avais su alors tout cela et le reste,
Je n’aurais pas donné le jour à ma couvée.
A présent, c’est l’effroi qui cingle ma pensée
En enserrant mon cœur dans un étau funeste.
Quel sera leur destin sous les horizons noirs
Se profilant au loin portés par la tourmente
Des sables du désert, ces cherguis qui éventent
Toutes nos traditions gangrènant nos avoirs ?
D’aucuns dénient toujours que ce péril est là,
Arguant que le danger ne peut nous haranguer,
Pourtant, autour de moi, le vaisseau semble prêt
A s’enliser, sombrer, promis à l’au-delà.
Au mois mai joli, je deviendrai grand-mère,
Quel sera le futur de cet enfant nouveau,
Moi qui regrette tant d’avoir mis sur la terre
Ses vies que l’ennemi voudrait mettre au tombeau ?
Quand je ne pourrai plus jouir de leurs serments
Ni les accompagner dans leur dernier combat,
Que me restera-t-il juste avant le trépas ?
Le remord de n’avoir pas pu rester devant !
