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Cypora Boulanger

Je vénérais les roses

Quand le monde à mes pieds ne sera plus que cendres,
Gardée par un grand chêne à l’orée du destin,
Lorsque le temps viendra pour moi de redescendre,
Dispersez mes vieux os là où la nuit éteint

La course des nuées et les feux scintillants
Des radieux flambeaux de la félicité,
Dans le grand tourbillon où dansaient mes étés
Quand j’étais, hier encore, un tout petit enfant.

Peut-être alors levant vos yeux vers les nuages
Verrez-vous dans les cieux des atomes de moi
Et dans l’océan bleu où tant de poissons nagent,
Dans un sillon nacré, mes traces d’autrefois.

Cet autrefois d’avant créa ma créature :
Insoumise, indomptée, farouche et fière aussi,
Rien ne l’aura maté, pas même les blessures
Jonchant tous les chemins où clopina sa vie.

Elle prit son envol tel un oiseau sans-gêne
Brisant le pilori de la cage dorée
Où l’enfermait alors, ligoté par des chaînes,
Le fallacieux carcan de la duplicité.

Puis, par l’or d’un sonnet, la magie d’un poème,
Tel un bijou serti aux flèches d’un carquois,
Elle a lancé les vers qu’au firmament j’essaime
Comme on brode un damas avec des mains de soie…

…Quand le monde à mes pieds ne sera plus que cendres,
Gardée par un grand chêne à l’orée du destin,
Lorsque le temps viendra pour moi de redescendre,
Dispersez mes vieux os là où le jour s’éteint.

Car si j’appris par cœur les chants qui me composent,
Des semblants d’amitié aux peines de l’amour,
Malgré ces instants fous qui ne durent toujours,
Souvenez-vous qu’alors je vénérais les roses.