Les Invisibles
Ils errent aux marges des riads dorés, Sous le soleil de plomb des cités bétonnées, Leurs rêves sont des faucons aux ailes cassées, Dans un ciel où l’espoir n’est jamais retourné.
Jeunesse en haillons, sans lendemains qui chantent, Ils grattent la terre sans graines ni semences, Leurs mains vides cherchent un horizon qui ment, Tandis que les puissants festoient insouciants.
Les cafés enfumés les voient s’assembler, Discuter sans fin,sans pouvoir avancer, Leurs mots sont amers,leurs voix sans clarté, Car l’avenir promise n’est que vanité.
Ils regardent le monde derrière les vitrines, Où brillent les objets,les vies devinées, Eux,les condamnés des ruelles voisines, Oubliés des bilans,des statistiques bornées.
Leurs pères ont peiné sous le même soleil, Leurs mères ont pleuré des larmes sans écho, Et maintenant,c’est à leur tour de sommeiller, Dans l’attente vaine d’un destin nouveau.
Mais sous les fronts baissés, sous les silences lourds, Brûle une flamme âpre,une rage tenace, Car même privés d’or,de pouvoir ou de cours, Ils possèdent en eux la dignité qui passe.
Un jour, peut-être, les murs trembleront, Les échos des ruelles monteront jusqu’aux tours, Et ces jeunes sans noms,ces âmes sans ponts, Feront de leur misère un cri pour les jours.
Ils sont le Maroc qui lutte et qui espère, Le peuple des seuils,la force qui attend, Le poing refermé sur une braise à naître, L’aube obstinée au-delà du temps.