Le Dénuement Fier
Dans l’âtre éteint d’un réduit sordide,
Où le dénuement lentement ronge et vide,
Un homme seul, drapé de frugalité,
Contemple un monde à jamais aliéné.
Célibataire ? Oui, par dessein altier,
Fuyant ce marché où l’amour, mercenaire,
Se monnaie au gré des appétits voraces
Et des désirs trahis, vaines grimaces.
Il voit, hagard, l’implacable machine
Du Capital, Moloch à l’haleine malsaine,
Qui broie les humbles, suçant leur labeur,
Pour engraisser l’oligarchique rongeur.
Les étalages, phares d’un faux désir,
Illuminent l’obscur de leur vain plaisir.
Il passe, stoïque, indifférent aux leurres
Des biens clinquants, des bonheurs de quelques heures.
Pourquoi nul hymen ? C’est que son âme fière
Méprise l’échange où le cœur se marchande,
Où les sentiments, pesés au trébuchet,
S’achètent à crédit pour un maigre forfait.
Son grabat est rude, son écuelle est mince,
Mais son esprit libre, d’aucun joug ne se pince.
Il observe la foule, esclave volontaire,
Courir au sifflet, sous le fouet salaire.
Lui, préfère l’ombre et sa paix chichement octroyée,
Son indigence même, comme une armure déployée
Contre le système vorace et pervers
Qui de l’être humain ne fait qu’un univers
De chiffres glacés, de profits sans merci,
Où l’âme s’effrite, où l’humain a péri.
Ses mains sont vides, son trésor est secret :
Une révolte sourde, un mépris complet
Pour l’ordre établi, l’engrenage huilé
Où l’homme n’est plus qu’un rouage isolé.
Son vrai luxe ? C’est son refus oblique,
Sa dignité roche, en dépit de la critique.
Pauvre d’écus, mais riche d’un courroux
Qui brûle en silence et ne s’éteindra plus.
Il est le témoin, le grain de sable obstiné,
Dans la grande mascarade où tout est monnayé.