La garçonne
Avec l'air qu'elle se donne, ses manières de garçon,
Avec ses yeux fardés aux contours de charbon
Ses cheveux coupés courts et sa frange friponne,
Elle a beaucoup changé de la femme, la Garçonne!
Ses danses délurées où elle n'avait pas peur
De se balancer fort au son d'une musique
Endiablée et vivante secouant la torpeur
De cet entre-deux guerres, ce mélo dramatique!
Elle découvrait ses jambes dansant le charleston,
La java ou toutes autres danses frénétiques,
Son phono diffusait des airs qu'elle-même fredonne,
Sa voix qu'elle voulait grave devenait pathétique!
Ses longues mains si fines tenant un fume-cigares
Qu'elle portait à ses lèvres rejetant la fumée,
Assise au bout d'un bar, comme un homme au comptoir,
Elle brûlait sans remord ses plus belles années!
Ses regards langoureux, ses clins d’oeil enjôleurs,
Je les ai souvent vus sur des cartes postales
Cette femme d'antan, cette femme d'ailleurs,
M'a fait souvent rêver de façon magistrale!
Dans les salles obscures elle crevait les écrans,
Garbo et toutes ses soeurs auraient aimé parler,
Nous confier leurs espoirs, leurs peines, leurs tourments,
Le cinéma muet a gardé leurs secrets!
En femme émancipée ressemblant à Fréhel
Parfois mélancolique, plus souvent endiablée,
Elle se cherchait sans doute car au plus profond d'elle
Dormait cette femme-fleur que les hommes adoraient!
Ces hommes de ce temps aux cheveux gominés,
Aux pantalons si longs qu'ils battaient la semelle
De leurs souliers vernis qu'un cireur astiquait,
Installé discrètement au coin d'une venelle!
Leurs casquettes à carreaux et au cou un foulard,
Délicats ils offraient à chaque dulcinée
Ces bouquets de violettes vendus sur les trottoirs,
Exhalant le parfum de ces folles années!
Ces chanteurs dans les rues poussant une rengaine,
Qu'une volée de pièces venait récompenser,
Ces kiosques de musique dans les fins de semaine
Diffusant des mélos sur un air de regret!
Elle se trémoussait fort pour ôter le carcan
De tant d'années passées à être femme soumise
Moi, je lui dit merci à cette femme d'avant,
Merci à la garçonne d'avoir sauver la mise !
février 2006.
