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Ahossan Jean-Yves TANOH

Prisonnier d'incertitude



Il avait le visage renfrogné
Et l’âme morose dans un corps
Qui se mourait graduellement ;
Un bourru au cœur d’or !
En lui il y avait un immense et réel vide
Dans ses mains une douleur profonde et un monde insipide
Mais jamais il ne jettera le manche après la cognée ;
Un de ces jours il ira honteusement

Son désir de partir
Etait solide, large, aussi colossal
Que cette triste lyre
Qui pleure notre misère abyssale
Son désir de partir
Etait solide, aussi gigantesque
Que les tortures d’un martyr
Dans un monde de misère titanesque

Trois ans d’atermoiements
De peur et de tourments
Trois ans qu’il a l’âme plongée dans un monde inconnu
Trois ans qu’il a le cœur submergé dans un idéalisme perclus
Qu’il impose à son corps un autre paradis
Qu’il veut tenter une expérience hardie

Attiré par un autre soleil
Il était déterminé
Si déterminé à échapper à la misère
Qu’il ne songeait pas aux malheureux qui mouraient en mer
Il était prêt à atteindre l’autre rivage
Prêt à succomber pour une réussite rêvée

Ainsi,
Avant le clin d’œil du soleil
Avant la rengaine du coq
Avant que la lune ne ferme ses paupières
Avant que les filles de la nuit ne disparaissent
A notre insu
Il s’en alla ;
Il prit la route vers l’eldorado
Il prit le bateau vers sa terre convoitée…
Il s’en alla honteusement et secrètement !


Cent jours
Quelque part dans un monde inconnu
Dans une nature étrangère
Cent jours
Mille chagrins et deux mille lamentations
Cent jours
Qu’il se nourrit des bruits horribles des vagues brisantes de l’océan

La mer arrachait la vie des uns et le souffle des autres
Le bateau se vidait timidement
Pauvre aventurier
On pouvait lire l’angoisse sur son visage

Leur destination fut la mer de sable
Hélas !...
L’effroi venait de naitre
Le voyage vers l’eldorado avait été anéanti
Comme le rêve des nantis
Abandonnés par leurs maîtres
Son rêve avait été réduit en mille six-cent morceaux…

Sous ses yeux se mouraient ces innocents aventuriers
Sous ses yeux ces êtres mouraient comme des guerriers
Sous ses yeux ils trépassaient en prison
Ils avaient les mains liées
Pieds et âmes enchainés
Ils attendaient vainement cette lueur d’espoir
Et cette aurore qui n’arrivera jamais

Témoin oculaire des actes odieux
Il avait piqué un fard parce que c’était le revers des cieux
Et à cor et à cri il a appelé tous les dieux

Dans son cœur logeait une kyrielle de remords
Il était le souffre-douleur de ces hommes
Et son corps dans cet enfer se mourait

Il avait une conscience sans voix
Il proférait des « hélas » pour proclamer sa tristesse
Où était donc Simon de Cyrène ce gentilhomme
Qui jadis aida l’homme en détresse ?

Silencieusement il jugeait et condamnait ces meurtriers
Timidement il faisait sa dernière prière
Pensant à son père et à sa mère
Surement demain il ira
Vers l’au-delà ou peut-être
Il regagnera sa terre

Seul avec sa solitude et son âme famélique
Seul avec tous ces hommes sans cœur
La voix dans le vent
Et dans le vide
Il dit alors:
Je suis cette lune basanée
Qui n’a même pas d’ombre
Mon âme longtemps restée
Dans un gouffre amer
Se meurt au rythme de leurs tortures et de leur misère
Je suis ce corps frêle paré
De douleur rouge-garance
Ce corps qui sans cesse pleure
Pleure-pleure pour expier ce mal-mâle

Le soleil a dû partir avec mes rêves
Seul avec ma solitude et mon âme
Mon vide se vide
J’ai envie de humer un bonheur perfide
Envie d’inhaler les séquelles d’espoir
Pour ragaillardir ce corps plein d’histoire
Je suis cet homme
Prisonnier d’incertitude
Fils de la solitude !
Je suis cet homme
Prisonnier d’incertitude
Auteur d’une multitude d’illusions !
Je suis cet homme
Prisonnier d’incertitude
Fils du néant !
Je suis cet homme
Prisonnier d’incertitude
Fils…
(Il n’a pas pu terminer sa phrase, parce qu’il pleurait)