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Philippe MARTINEAU

Paroles d'Ophélie

À peine est-ce le jour qu’une ombre me complète
et que j’appelle en vain mon amant de jadis.
J’avais entre ses doigts une autre silhouette
et nous jouions sans crainte à nous rendre métis.

Sans doute que ma chair est devenue étanche
et qu’un fleuve profond est celui que je veux.
Une vague affamée attend que je me penche
et qu’un sillage naisse au bout de mes cheveux.

À peine est-ce la nuit qu’un nœud me rend muette
et que je ne sens plus ni bague ni haillons.
À peine suis-je au bord que la Meuse s’arrête,
écarlate et glacée, au fond de mes poumons.

Voici plus de mille ans qu’on m’appelle Ophélie
et que je flotte encore, en regardant les cieux.
Plus de mille ans déjà qu’un jeune homme m’oublie
et que je porte en douce un enfant de nous deux.