Je n'ai repos ni nuit ni jour
        
Ode
Je n'ai repos ni nuit ni jour, 
Je brûle, et je me meurs d'amour, 
Tout me nuit, personne ne m'aide, 
Le mal m'ôte le jugement, 
Et plus je cherche de remède, 
Moins je trouve d'allégement.
Je suis désespéré, j'enrage, 
Qui me veut consoler m'outrage, 
Si je pense à ma guérison, 
Je tremble de cette espérance, 
Je me fâche de ma prison, 
Et ne crains que ma délivrance.
Orgueilleuse et belle qu'elle est, 
Elle me tue, elle me plaît, 
Ses faveurs qui me sont si chères 
Quelquefois flattent mon tourment, 
Quelquefois elle a des colères 
Qui me poussent au monument.
Mes amoureuses fantaisies, 
Mes passions, mes frénésies, 
Qu'ai-je plus encore à souffrir ? 
Dieux, destins, amour, ma maîtresse, 
Ne dois-je jamais ni guérir 
Ni mourir du trait qui me blesse ?
Mais suis-je point dans un tombeau ? 
Mes yeux ont perdu leur flambeau, 
Et mon âme Iris l'a ravie ; 
Encor voudrais-je que le sort 
Me fît avoir plus d'une vie 
Afin d'avoir plus d'une mort.
Plût aux dieux qui me firent naître 
Qu'ils eussent retenu mon être 
Dans le froid repos du sommeil, 
Que ce corps n'eût jamais eu d'âme, 
Et que l'Amour ou le Soleil 
Ne m'eussent point donné leur flamme.
Tout ne m'apporte que du mal, 
Mon propre démon m'est fatal, 
Tous les astres me sont funestes, 
J'ai beau recourir aux autels, 
Je sens que pour moi les célestes
Sont faibles comme les mortels.
Ô destins ! tirez-moi de peine, 
Dites-moi, si cette inhumaine 
Consent à mon affliction :
Je bénirai son injustice 
Et n'aurai d'autre passion 
Que de courir à mon supplice.
Las ! je ne sais ce que je veux, 
Mon âme est contrainte à mes voeux, 
Ce que je crains je le demande, 
Je cherche mon contentement, 
Et quand j'ai du mal j'appréhende 
Qu'il finisse trop promptement.