Ici la même symétrie A mis toute son industrie Pour faire en ce bois écarté Le Palais de la Volupté. Jamais le vague Dieu de l'Onde, Ni celui des clartés du monde N'entreprirent rien de plus beau Quand, sans trident et sans flambeau, D'une volonté mutuelle Ils mirent en main la truelle Et sous des habits de maçons, Employèrent en cent façons Tous les beaux traits que la Nature Admire dans l'architecture Pour loger ce prince troyen Qui depuis les paya de rien.
Arrière ces masses énormes Où s'entre-confondent les formes, Où l'ordre n'est point observé, Où l'on ne voit rien d'achevé : Il n'en est point ici de même, Tout y suit la raison suprême Et le dessein en chaque part S'y rapporte aux règles de l'art.
L'invention en est nouvelle, Et ne vient que d'une cervelle Qui fait tout avec tant de poids Et prend de tout si bien le choix Qu'elle met en claire évidence Que sa grandeur et sa prudence Sont aussi dignes sans mentir De régner comme de bâtir.
Cet esprit que ma muse adore Qui de son amitié m'honore Et que j'estime comme un dieu, A fait ce Palais en ce lieu Où fréquente la solitude Tant pour la chasse et pour l'étude Que pour tous les autres plaisirs Qui s'accordent à ses désirs.
La salle grande et somptueuse Autant qu'elle est majestueuse Se dédie au roi des forêts, Au bon Pan qui dans un marets Vit sa maîtresse en vain aimée En frêles roseaux transformée ; De quoi, pour chanter son tourment, Il fit à l'heure un instrument Qui ne dit mot quand on le touche Si l'on ne le porte à la bouche, Essayant ainsi d'apaiser Son ardeur par quelque baiser.
Là-dedans encore on révère Diane au front doux et sévère Non pas pour cette chasteté Dont son humeur fait vanité ; Quoi qu'avec Hippolyte on croie Qu'elle s'en donnait au coeur joie, Mais parce qu'elle aime d'amour A chasser en ce beau séjour.